• Acte 10 : Jkaärr (Texte de Foortune)

    Lôr sentit la porte coulisser doucement derrière elle.

    Elle était désormais enfermée, seule, dans la petite salle de transe.

    La cité trembla encore plusieurs fois sur elle-même.

    Puis un soudain silence pesant.

    Elle ferma les yeux et tenta de respirer calmement.

    Le combat qu'elle allait devoir mener intérieurement était tout aussi dangereux que celui des soldats à l'extérieur. Elle pouvait y perdre la raison à défaut de la vie.

    Dans cette salle ultra protégée se tenait un appareil étrange qui n'appartenait pas à leur civilisation. Quelque chose d'ancien. Quelque chose de vivant. Une sorte de « mère » qui alimentait et veillait sur la cité de ReN. Très rare était les personnes qui pouvaient ressentir le pouvoir qui en émanait... et encore plus rares celles qui pouvaient en contrôler une partie... une infime partie.

    Son frère avant elle avait échoué. Mais le pouvoir avait déferlé en elle.

    Elle était devenue la Maîtresse de ReN.

    Elle avait ressenti LA présence à l'intérieur. Elle lui avait parfois parlé.

    Du moins le croyait-elle.

    Mais depuis quelques temps la liaison qui l'unissait en permanence à la cité avait faibli, pour ne plus être qu'un fragile fil.

    Avant, lorsqu'il manquait de l'énergie quelques parts dans la cité, quand un réacteur tombait en panne ou lorsqu'une tempête menaçait les tours les plus élevées, elle n'avait qu'a se relier à la cité et ordonner.

    C'était comme un mouvement, une inspiration...comme une partie de son corps.

    Sensation unique et douloureuse. D'être à la fois soi et quelque chose d'autre.

    Mais ce qui la guidait jusque là ne voulait désormais plus répondre.

    Depuis quelques mois les problèmes techniques pourrissaient sa vie.

    Et elle était impuissante. Elle ne servait plus à rien !

    Lorsque la salle de fusion qui servait à créer les générateurs de stase s'était elle aussi arrêtée elle n'avait rien pu faire. Plus aucune machine ne répondait.

    Et personne ne savait réparer cette technologie qui les avaient toujours dépassé.

    Elle s'assit finalement sur l'unique siège de contrôle qui prenait presque tout l'espace de la salle. Celui-ci s'allongea et épousa la forme de son corps automatiquement.

    Ses bras s'enfoncèrent en lui, son corps coula dans une sorte de liquide.

    Elle fut envahi par la plénitude et la chaleur comme à chaque fois.

    Une vision en plusieurs dimensions représentant la cité apparue devant elle.

    Elle remarqua de nouvelles alarmes rouges dans certains secteurs.

    Bientôt la cité entière allait cesser de battre si rien n'était tenté.

    Les Sénateurs ReNiens avaient jusqu'à présent fermement refusés qu'elle tente de se connecter plus profondément. Elle était la dernière à posséder le pouvoir. Elle était trop précieuse pour risquer sa vie.

    Mais maintenant...avait-elle encore le choix ? 

    Alors elle s'immergea au plus profond d'elle-même.

    Laissant le courant mental la prendre en entier.

    Elle glissa dans le vide totale à la recherche de quelque chose

    ...de celui qui vivait là.

    Elle recomposa son corps... dans un autre monde sans couleur.

    Et elle commença à marcher et à chercher... monde gris et immobile.

    Son esprit s'adapta à cette réalité... oubliant le reste.

    Elle entendait le martèlement de ses pas, elle sentait une brise légère sur sa peau, un léger parfum emplissait l'air. Réalité alternée.

    Soudain le vide ondula comme une vague ! Et elle tomba en une chute vertigineuse ! Elle hurla de surprise puis de terreur.

    Un hurlement que personne n'entendit et qui se perdit dans ce monde.

    Jamais rien de semblable n'était arrivé jusqu'ici !

    Avait-elle présumé de ses forces? Etait-elle allée trop loin cette fois-ci ?

    Elle crut que son cœur allait exploser... elle allait mourir !

    La chute n'en finissait pas...infinie et effrayante.

    Non ! NON !

    -         Je n'abandonnerai pas !

    Sa voix se transforma en ondes qui vinrent se percuter brutalement sur quelque chose. Il y eu comme une glace qui se brise en mille morceau... au loin.

    Puis elle tomba dans l'eau.

    Un liquide salé envahi sa bouche ! Voulu emplir brutalement ses poumons pour la noyer ! Le liquide était vivant et l'enlaçait jusqu'à la broyer.

    Elle lutta contre l'invisible ne sachant que faire... après la chute elle allait finir noyer! Dans un coin de sa tête elle savait qu'elle était en réalité allongée dans la cité à l'abri mais son esprit ne suivait plus !

    -         Respire.

    Une voix venue de nulle part !

    ....c'était lui ! oui ! elle le reconnaissait ! Celui qui vivait là !

    L'eau se fit soudain plus pressante. Elle la sentit s'introduire par les pores de sa peau. Lôr voulu résister mais elle était épuisée...

    -         Respire.

    Mais si elle respirait l'eau, n'allait-elle pas mourir ?

    Elle n'arrivait plus à réfléchir. Elle avait si mal... 

    Alors elle céda...

    L'eau la dévora... puis il y eu de nouveau une glace qui se brise...plus proche.

    Et elle se retrouva dans l'espace.

    L'infini la happa avec une soudaine avidité. Les étoiles et les galaxies tournoyaient sous ses yeux. Mais que se passait-il donc ici ? Ou était-elle ? Elle ne comprenait plus.

    Elle tenta de se repérer...dans un univers noir piqué de lumière...

    Son corps se convulsa... elle tenta de se raccrocher à quelque chose... n'importe quoi ! Puis elle s'aperçue qu'elle bougeait... d'abord doucement puis de plus en plus rapidement. Elle était entraînée malgré elle. Elle vit passer des planètes qu'elle connaissait ! elle était dans son système solaire... mais elle s'éloignait vite... si vite.

    Etait-elle condamné à dériver jusqu'à la fin de ses jours dans cette univers si froid?

    Comment pouvait-elle s'arrêter ?

    Elle essaya de tendre son pouvoir, de se connecter... elle était perdue !
    Noir... lumière... couleurs inconnues de galaxies mourantes ou vivantes...
    Alors dans un ultime effort elle appela à l'aide... dernier espoir.
    Son appel traversa le néant... brisant le vide.

    -         Lôr ?

    -         Mmm... Maîtresse ?

    -         Qui êtes-vous ?

    Les trois voix qu'elle capta soudain lui transpercèrent le corps comme une multitude d'aiguilles. Elle hurla de douleur... elle n'en pouvait plus... c'était fini.

    La première voix avait été celle de Tolô... la seconde celle de Kaos...

    Elle savait que le Commandor de ReN possédait lui aussi le pouvoir, elle l'avait toujours sentit en lui... moins fort qu'elle, mais plus sauvage, plus tranchant même...

    Mais Tolô ? Comment était-ce possible ?

    -         Mais qui êtes-vous ! Allez vous-en ! laissez-moi !

    La troisième lui était inconnue... jeune, pure, une enfant... si puissante... tellement puissante!

    Tolô et Kaos était très proche l'un de l'autre mais l'inconnue était si loin...

    -         Aidez-moi... je suis perdue... je ne sais plus ou je suis...

    Si faible... l'univers se fit plus noir... plus glacial... s'endormir serait si simple.

    En finir, tellement plus facile.

    Puis elle vit comme dans un rêve un mince fil de lumière jaillir devant elle.

    Il était si fragile ! Tolô ?!

    -         Je l'ai trouvé ! là ! Kaos !

    Puis un autre fil apparu soudain du néant. Plus fort et plus solide !

    Ils l'enlacèrent tous les deux, la ligotèrent...

    Elle sentit leurs peurs...leurs haines réciproques misent de côté dans cette lutte pour la vie. Elle fut tiré en arrière... sans fin.

    Elle revit à l'envers l'espace qu'elle venait de traverser... vit re-défiler les étoiles.

    On la ramenait chez elle !

    Puis un troisième fil s'anima autour d'elle et se mêla aux deux autres.

    -         Je ne sais pas qui vous êtes... mais je vais vous aidez ! suivez -moi !

    Alors elle vit sa galaxie se rapprocher d'elle... les premières planètes qu'elle connaissait ! elle vit l'origine des fils lumineux... la Terre.

    Elle était sauvée !

    Puis de nouveau un bruit de glace qui se brise...juste à côté d'elle.

    Lorsqu'elle ouvrit les yeux elle se tenait en suspension droite et immobile au milieu de nul part. Monde gris. Elle était revenue ! Mais elle n'était pas seule.

    Devant elle un être humanoïde sans couleur la contemplait.

    Deux fois plus grand qu'elle, filiforme, il n'avait ni yeux ni bouche...

    Rencontre improbable dans un monde irréel.

    -         vous êtes celui que je cherche n'est-ce pas ! Celui qui vit ici ! Vous êtes un Anderrien !

    -         Je ne comprends pas ce mot... je suis le gardien de la cité.

    -         Si vous saviez... je suis si contente de vous trouvez enfin... je... oui, je comprends, le mot « Anderrien » c'est nous qui l'avons inventé pour vous nommez lorsque nous avons découvert votre civilisation !

    -         C'est à toi que je parlais...avant. Je me souviens...

    -         Oui je m'appelle Lôr... Lôr de ReN

    -         Je suis moi... je suis nous... je n'ai pas de nom.

    -         Pourquoi ne me répondiez-vous plus ! pourquoi ? j'avais tellement besoin de vous ! La cité est en train d'agoniser sans vous !

    -         On m'a enfermé...

    -         Quoi ?

    -         Quelqu'un de puissant qui savait ou j'étais m'a enfermé... tu as brisés les trois cellules qu'il avait construit.

    -         Je...

    Sa bouche se crispa... la chute... l'eau... l'espace !...les bruits de verre brisés !

    -         Oui... trois prisons. Je t'ai aidé pour la seconde... tes amis pour la dernière. Je doutais que tu réussisses. Tu es puissante. Il s'est trompé.

    -         Mais... mais qui a fait cela ?

    -         Celui qui veut me détruire... regarde, voit et apprend.

    Une main étrangement grande lui enserra le visage. Elle était chaude et si apaisante. Lôr sentit l'être pénétrer dans son esprit... Le son de sa voix était comme une douce musique...si triste.

    « Mon peuple était libre et pacifique, en harmonie avec les éléments.

    Nous ne connaissions ni la peur, ni la faim ou la mort.

    Nous étions au stade ultime de notre propre évolution.

    Mon peuple brillait par delà les étoiles. Notre lumière était puissante. »

    Des images se formèrent devant elle... peuple de géants dans un monde de beauté.

    L'odeur de l'herbe grasse envahit ses narines, ses pieds glissèrent dans l'eau claire.

    Planète de lumière aux mille couleurs. Evolution pure et enchanteresse.

    Paix, silence, nature... instant de béatitude.

    « Pourtant...nous avions oublié une chose essentielle.

    Le bien ne vit qu'à  travers le mal. A chaque chose existe une contrepartie.

    Ce que vous appelez le yin et le yang, la balance, l'équilibre. »

    Une forme noire perça soudain les étoiles, emplie de colère et de souffrance... monstre aux tentacules informes qui arrachait la vie dans un souffle.

    « Nous ne savons pas son origine... nous ne savons rien de lui.

    Il est venu du plus profond de l'espace...

    Probablement est- il née de l'univers même...du commencement, du « tout ».

    Il n'avait pas de forme, pas de nom. Il « était » simplement...

    Il ne connaissait que la haine et la destruction.

    Il était l'essence même du mal le plus profond. Il était le néant. Immortel.

    Il engloutissait toute matière, annihilait  tout espoir, brisait toute vie. »

    La peur tordit ses entrailles... tous étaient si impuissants devant ce bourreau !

    « Lorsqu'il capta notre lumière il fut irrémédiablement attiré.

    Il traversa l'espace pour nous anéantir.

    Il s'insinua en nous sans que nous nous en rendions compte...

    Il nous murmura la jalousie, la colère, l'envie.

    Suscita la guerre ...

    En quelques semaines notre peuple fut perdu.

    Les plus faibles s'élevèrent contre les plus forts. Des clans se formèrent.

    Notre harmonie éclata.

    Le sang...pour la première fois la mort nous frappait.

    Avant même que nous puissions réagir ou comprendre nous avons été exterminé. »

    Des villes suspendues en flamme, des torrents de boue que la terre recrache. La puanteur de la mort qui envahie l'espace. Des tours de lumière qui se brisent... milliers d'âmes qui s'enfuient en pleurant... le chaos... partout... le sang... les déchirures... elle cru défaillir tant les images la percutèrent de plein fouet.

    « Nous lui avons donné un nom.

    Il est « Jkaärr »...notre destruction...notre erreur... »

    -         Jkaärr...

    Prononcer son nom était en lui-même un dégoût, une douleur... comme si on avait voulu lui arracher le cœur !

    « Car ce qui a un nom est plus facile à combattre.

    Les derniers survivants s'unirent pour le contrer...leurs derniers souffles.

    Pour sauver ce qui pouvait l'être encore.

    Si on ne pouvait le toucher ou le tuer...on pouvait l'emprisonner...

    Alors nous l'avons attiré dans l'espace...loin...vers une planète en fusion.

    Nous l'avons piégé dans son cœur de lave, avons tissé une toile de matière, l'avons enchaîné par les éléments.

    Pour que l'univers survive. »

    -         Bellatrix !

    C'était comme un tremblement de terre. Comme si tout se reliait de lui-même dans une totale compréhension des choses. Tout prenait un sens, une raison, un commencement.

    « ...Je suis le dernier... le dernier de ma race...le dernier gardien de notre histoire.

    Je devais veiller à ce que jamais il ne soit relâché...jamais.

    Alors j'ai laissé mon corps...et mon âme a trouvé refuge dans ce qui était notre plus grande cité-cocon.

    Et je suis resté là...seul...à attendre... 

    J'ai vu le monde évoluer...tant de cycles...

    Après la disparition de mon peuple la terre a de nouveau bougé.

    Le monde gronda, les montagnes tremblèrent, la mer s'éveilla rageuse...

    Puis le calme de nouveau...jusqu'à ce qu'une nouvelle vie naisse puis grandisse.

    Les nouveaux être qui peuplèrent cette terre étaient barbares...ils progressèrent lentement. Il construisirent pourtant de grande cité...mais la guerre encore raisonnait dans leur cœur. Un premier grand conflit...puis un second.

    Ils voyagèrent au plus profond des océans et jusque dans l'espace.

    Puis une ultime guerre. Totale. Leur race disparue. Leurs restes oubliés. »

    Elle vit des hommes qui lui ressemblait...des vêtements étranges plein de couleurs, des villes immenses pleines de lumière.

    Des oiseaux et des poissons de fer dans le ciel et la mer... elle vit leur orgueil tourner en guerre... un petit homme avec comme insigne une croix étrange... des milliers de morts... la peur... puis encore, encore la guerre, encore des hommes aux yeux bridés qui font trembler la terre... ultime lueur dans le ciel qui ravage tout... le néant.

    « La terre trembla encore...évolua une nouvelle fois.

    La lune en orbite tomba, créant une longue période de chaos.

    Cette fois-ci la vie mit du temps à revenir...longtemps.

    Et de nouveau j'attendais...seul.

    Jusqu'à votre apparition. Une nouvelle espèce. Un nouveau cycle.

    Vous étiez différents des autres. Vos cerveaux plus grands, vos pensées plus développées. Vous êtes les premiers à m'avoir trouvé...à avoir pris contact, à avoir sorti la cité de son sommeil...et de nouveau à subir vos erreurs. »

    Lôr pleurait... pleurait devant tout ce gâchis... des larmes qui coulaient brûlantes et ne voulaient plus s'arrêter. Personne n'était responsable du massacre de Bellatrix ! Tant de remords... non... tout prenait un sens ! c'était lui... le monstre ! Jkaärr !

    -         Enfant... Il a eu le temps de reprendre des forces... et commencer à briser sa prison. Il se sert des êtres qui vivent à sa surface, il les transforme, les manipule, leur insuffle la vengeance. Il veut s'échapper. Il veut de nouveau être libre de détruire.

    -         Ce n'est pas possible... non.

    -         Enfant, il a envoyé des serviteurs pour me museler... il sait que je suis toujours en vie et que je peux lui nuire. Je suis le dernier à pouvoir le faire. Alors il tente de me détruire. Mais je ne sais pas... je ne sais pas si je peux encore l'arrêter... je suis seul aujourd'hui... et si faible.

    -         Tu dois essayer ! sinon... ce que j'ai vu à travers toi ! tout va disparaître ! Tu dois nous aidez !

    -         Je ne sais pas...

    Elle s'arracha de son étreinte... son corps tout entier tremblait de froid. Elle devait revenir maintenant... Elle devait prévenir les autres. Ils allaient devoir se battre... tous... pour la survie de leur race !

    -         Je dois partir... je dois les prévenir... s'il te plaît je veux que tu fasse décoller le vaisseau cité ! Maintenant !
    Elle n'entendit pas sa réponse...vague écho perdu dans l'infini.
    Elle venait de regagner sa réalité...

     


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  • Acte 11 : L'envol

     

    ACTE 11 : L'envol.


    Lôr de ReN gisait à terre entourée de sa garde et des technomédics qui la réanimaient. Comme le rite le demandait, son corps fut mené de la salle de transe dans le quartier de commandement.


    Elle ouvrit les yeux.


    La lumière était trop intense et transperçait son crâne d'une douleur extrême, froide, mortelle.

    Ses pupilles dilatées rétrécirent par pur réflexe.

    Des larmes naissantes aux commissures de ses yeux coulaient sur ses tempes pâles et se cachaient dans sa chevelure.

    Sa bouche eut un rictus de douleur, s'entrouvrit et laissa échapper un long cri rauque qui sortait du plus profond de son être. Les technomédics s'agitaient autour d'elle.


    Le prince de Tolô, précédé par le général Fen, venait d'entrer dans la salle de contrôle. Derrière eux deux guérisseurs vinrent rejoindre le groupe qui s'affairaient autour du corps étendu à terre.

    L'instant d'après, deux lourds impacts vinrent rompre le silence qui régnait. Le visage sombre de Tolô se leva instinctivement vers le ciel.


    • - « Général, combien de temps le dôme de la cité va-il résister?»
    • - « Prince... le temps que la régente de ReN reprennent ses esprits, le temps qu'il faudra pour que la cité entière décolle et se mette en orbite stationnaire, elle seule saura nous guider, elle seule possède les clefs ... »

    Le corps de Lôr tremblait en s'arque boutant par des spasmes. Sa respiration était rapide, le rythme de son pouls était faible. Guérisseurs et technomédics s'acharnaient pour l'arracher de la torpeur qui semblait vouloir la submerger. Le visage blême, elle se crispa encore. Un cri chargé d'angoisse mêlé de haine sorti de sa bouche.


    • - «Elle revient... elle revient!» dit un guérisseur.

    Dehors le ciel s'assombrit. Le vent du sud se levait sur cette bataille titanesque. Le vaisseau Falien se préparait à frapper encore ReN. Un éclair orange jaillit de sa poupe, suivi du tonnerre provoqué par une salve destructrice qui vint percuter l'enceinte d'acier de la cité de ReN. Les fondations tremblaient sous la secousse provoquée par les armes Faliennes.


    • - «Elle revient!» corrobore un des technomédics dévisageant avec gravité le guérisseur qui avait prononcé le même diagnostic.

    Une fois de plus, elle éructa une émouvante complainte, incompréhensible, qui se termina par un cri de désespoir. Le son de sa voix résonnait dans la salle de contrôle. Une nouvelle percussion protonique vint encore ébranler la cité entière et semblait faire écho aux hurlements de la régente. Sous ce choc puissant, Tolô mit genou à terre et dévisageait Lôr.


    • - «C'en est fini... Nous n'allons pas supporter longtemps les assauts de ces chiens de Fal.»
    • - « Tout ne fait que commencer» répliqua Lôr, soudainement consciente.
    • - «Il est là pour nous ouvrir un chemin... ne pas fuir... nous reconstruire... créer un élan d'évolution...L'anderrien va nous aider, il nous donnera le souffle qui fera renaître cette antique cité et ceux qui l'habitent fièrement aujourd'hui! »

    Au même moment, le pupitre de commande de la salle de contrôle s'illumina. Instantanément, la totalité de la toute puissante cité de ReN baigna dans un nuage de stase reconnaissable par sa couleur bleue. Le sol de l'ensemble de la citadelle s'agita de vibrations qui faisait penser à une secousse tellurique. Lôr se releva doucement et congédia de sa main la garde, les technomédics et guérisseurs qui l'avaient assisté.


    A l'extérieur, le vaisseau Falien déversa une vague meurtrière vers la cité. Cette fois, les salves de torpilles vinrent iriser la surface du dôme de la Citadelle sans occasionner de dégâts. La stase assurait maintenant une protection efficace contre toutes les armes baryoniques.


    Lôr se tenait à présent devant le pupitre de contrôle. Le général Fen l'avait rejoint et observait dehors les tirs devenus inutiles du croiseur Falien. Le prince de Tolô, quant à lui, se tenait légèrement en retrait. Son visage si sévère laissait apparaître un soupçon d'optimisme non dissimulé.


    La tablette centrale dégagea un halo laiteux. Des filaments vaporeux s'échappaient en de multiples torsades du panneau de commande. Trois longs cristaux colorés apparurent, tous les trois reposaient alignés en position verticale.


    Le premier, de couleur rouge, était de forme pyramidale et sa base triangulaire.

    Le second, de couleur verte, était un cylindre parfait.

    Le troisième cristal aux reflets violets était un cube.


    Lôr saisit sans hésiter la pyramide rouge et la logea sur un socle dont l'empreinte épousait la base du cristal. Celui-ci s'illumina sans tarder et laissa échapper une fréquence sonore extrêmement basse, à peine audible. Aussitôt la cité trembla lourdement.


    • - « Ce cristal active les énergies de la cité et assure son déplacement dans un espace à dix dimensions.»

    Lôr positionna sa main au dessus du cristal et leva ses doigts fins à la verticale. De sourds vrombissements annoncèrent les secousses intenses qui résonnaient dans toute l'imposante structure de la cité.

    De plus profond des fondations de la citadelle naquirent de puissantes oscillations mécaniques. A l'extérieur, le sol qui jouxtait l'énorme muraille métallique, se fissura puis éclata en de milliers de crevasses qui ne cessaient de se multiplier. La terre semblait s'effondrer autour de la cité. Une intense fumée mêlé de fines poussières formait une bulle étrange qui englobait presque la cime du dôme de la mégapole.

    De chaque pilier du rempart, le feu jaillit, puis un magma aveuglant remonta des entrailles de la terre pour se déverser dans ce dédale de failles.


    L'énorme masse de la cité de ReN se souleva lentement, s'arrachant de son socle titanesque. Des blocs rocheux glissaient le long de la coque et finissaient par choir lourdement dans le cratère en fusion. Petit à petit, nous prîmes de l'altitude pour laisser en bas une empreinte chaotique à l'allure d'un volcan en irruption.

    Le vaisseau de Fal eut à peine de temps de s'écarter de la trajectoire de l'imposante citadelle qui prenait assurément  plus de vitesse. Il ne suffit que d'une poignée de secondes pour que le ciel au delà du dôme s'assombrisse, devenant noir, ne laissant apparaître que les étoiles scintillantes du firmament comme seul tableau.


    • - «A présent je vais libérer les énergies qui commandent le saut collapsar, qui ouvrent une brèche dans l'espace et le temps. L'anderrien m'a dit que la source de tout nos tourments se situe dans la constellation d'Orionis et que Bellatrix est la clef de voûte des problèmes que nous endurons.»
    • - « C'est une pure folie», éructa le prince de Tolô, «n'allons pas nous jeter dans les bras de nos assaillants? Les pertes que nous avons subi sont déjà élevées et je crains que les baronnies de Betelgeuse et Rigel ne puissent pas pouvoir lever une armada pour nous prêter main forte!»
    • - Qu'il en soit ainsi et que la volonté du Govène anderrien s'accomplisse!» reprit calmement Lôr de ReN.
    • - «je connais son histoire et ce qu'il a vécu et je peux vous affirmer, prince de Tolô, que la seule alternative que nous avons est d'aller à la base de tous les dangers que nous affrontons!»

    La régente pivota avec calme et assurance et saisit,  d'un geste rempli de délicatesse, le cylindre vert et le mit en place sur son socle. Aussitôt le cristal émit une lueur suivi d'une fréquence sonore agréable, étrangement apaisante. Tolô observait la scène, perdu dans ses pensées. Son visage laissait apparaître un air interrogateur.


    • - «Ai-je rêvé?» songea-t-il silencieusement «ai-je porté main forte à Lôr alors qu'elle brisait les chaînes de l'anderrien, était-ce une impression ou une pure réalité enfouie dans une transe qui baignait dans une autre dimension, laquelle d'ailleurs? Qui était la troisième personne qui lui avait aussi apporté sa protection et sa force ? Un être sensible et étrangement fragile, un mélange de force intérieure immense et de candeur dont je perçois les reflets mais pas une image...»

    Ses nombreuses questions cessèrent quand la maîtresse de la cité reprit :


    • - «Le trou de ver s'ouvrira à dix seconde-lumière d'Ori 1 Bellatrix, à l'opposé de sa position, sur le même rayon que son orbite, ainsi, nous serons occultés par l'astre brillant. Notre furtivité sera maximale.»

    Elle leva la main au dessus du cristal vert. Le cylindre s'illumina dans un halo laiteux qui s'intensifia. De son index tendu, elle décrivit de multiples cercles autour de l'objet qui semblait s'animer et laissait échapper d'étranges vibrations sonores, puis sa main se ferma, son poing se serra pour s'ouvrir  à nouveau. Ses cinq doigts tendus visaient un point extérieur. Dehors, un énorme vortex vert apparut dans le vide sidéral, contrastant avec la noirceur de l'espace. Un signe qui désignait notre cible, un trou de ver venait de se former. La cité allait être engloutie dans un saut collapsar qui devait la mener très loin, à l'origine de tous les maux et les nuisances qui menaçaient la stabilité toute relative de nos contrées.


    Le vaisseau-citadelle de ReN s'engouffra lentement dans le cœurs de cet artéfact. Le croiseur Falien accéléra sa marche et pénétra également dans le vortex avant qu'il ne se referme.


    • - « Ils nous suivent, ces félons ont profités de la brèche pour continuer à nous chasser.»
    • - «C'était prévisible général, mais je leur réserve un funeste sort!»
    • - «De quelle espèce?» interrogea le prince.

    Tolô semblait irrité par l'assurance de Lôr. Elle quitta le regard de Fen pour se tourner vers le Prince, son visage s'assombrit et sa voix se fit dure.


    • - «Tout simplement parce que nous sommes plus rapide que ce croiseur Falien. Quand nous jaillirons de l'impulsion collapsar, je refermerai l'artéfact spatio-temporel avant qu'ils ne s'en échappent.Ainsi ils seront condamnés à errer dans un espace d'où ils ne pourront sortir. »

    Un bruit sourd résonnait dans toute la cité de ReN.


    Une sirène hurla.


    INTRUSION PORTE NORD

    INTRUSION PORTE OUEST

    EXPLOSION DANS LE QUARTIER DES GENERATEURS DE STASE !

    INTRUSION PAR TELEPORTATION RAPIDE.

    VEROUILLAGE DES PORTES ... ACTIF.


    Une sentinelle entra hâtivement dans la salle de commande, l'homme semblait avoir une mauvaise nouvelle à partager.


    • - «Général, des Faliens sont dans notre cité. Nos hommes se battent et les pertes dans nos rangs sont énormes. La porte Ouest est protégée par les hommes du Prince de Tolô qui contiennent l'escouade Falienne.Deux bataillons d'élites ont été décimés par un attentat meurtrier qui a eu lieu dans le quartier des générateurs de stase. Nos forces se font tailler en pièces, nous manquons d'armes blanches... »
    • - «Envoyez la légion noire!» Reprit le général Fen.
    • - «La légion noire... est à l'agonie. Nous sommes tous occupés à contenir l'ennemi.»

    Dans le long couloir qui mène à la salle de commandement cinq hommes vêtus de noir, sabre en main, se déplaçaient furtivement. Ils étaient suivis par un être dont le corps était drapé d'une longue et ample toge. Une capuche masquait entièrement son visage.

    Akianna était dans le vaisseau anderrien.

    Un vent de panique anima la salle de commandement quand ce groupe armé fit son entrée, silencieusement. La sentinelle n'eut pas de temps de dégainer sa dague quand il reçut un violent coup de sabre sur le flanc qui le terrassa aussitôt. Un des gardes asséna un coup de coude sur le visage du général avant même qu'il ne puisse atteindre le panneau de contrôle d'où il pouvait lancer un CALL PANIK. Fen tomba à genoux avant de s'effondrer au sol, face contre terre.


    • - « Ces deux-là, je les veux vivants... Ils serviront de monnaie d'échange en temps venu.» dit Akianna de sa voix rugueuse entrecoupée par sa bruyante respiration. Elle s'approchait de la console de commandes, cherchant de ses yeux l'objet de tant de convoitise, puis elle le vit. De sa main écaillée et griffue, elle saisit le cube de cristal violet, se tourna lentement vers Lôr qui s'était rapprochée, instinctivement, du Prince de Tolô.

    • - «Considérez que cet objet ne vous appartient plus!»

    Ce furent les dernières paroles qu'Akianna prononça alors que le baron de Grom et trois de ses valeureux arbalétriers firent irruption dans la salle de commandement. Trois carreaux fusèrent alors que le baron embrochaient tour à tour ce qu'il restait de ce commando Falien. Akianna émit un raclement de gorge, tétanisée par la rapidité de cet assaut et surprise de ne rien avoir perçu, malgré ses pouvoirs. Elle ferma sa main sur le cube avant de le plonger hâtivement dans une poche de son ample toge, son autre main avait saisi son collier téléporteur. Le prince de Tolô dégaina son épée et avança, arme au poing, vers cet être étrange qui s'était emparé du troisième cristal. Lôr retint le bras armé du prince mais ne put empêcher celui du baron de frapper. Akianna, blessée à l'épaule,  trouva la force d'actionner son téléporteur. Elle disparut dans un éclair rouge vif.













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