• Titan : Satellite de Saturne

    Titan : Satellite de Saturne

       Au terme d’un voyage de près de sept ans et quatre milliards de kilomètres à travers le système solaire, la sonde Huygens a plongé, le 14 janvier, pendant deux heures trente, dans l’épaisse brume atmosphérique de Titan, terminant sa course sur le sol congelé de ce corps céleste. Pendant 1 heure et 12 minutes, Cassini a reçu d’excellentes données émises depuis la surface de Titan. La sonde Huygens a continué d’émettre pendant plusieurs heures, alors même que l’orbiteur avait déjà disparu derrière l’horizon et cessé d’enregistrer les données qu’il était chargé de relayer vers la Terre.

    En l’espace de 3 heures et 44 minutes, Cassini a pu nous faire parvenir plus de 474 Mbits de données, dont une série d’environ 350 images prises pendant la phase de descente et au sol. On y découvre un paysage apparemment façonné par l’érosion, avec des canaux de drainage, des motifs rappelant un tracé côtier et, à la surface, des objets ressemblant à des galets.

    " Nous détenons aujourd’hui les informations nécessaires pour comprendre ce qui façonne le paysage de Titan, » a déclaré Martin Tomasko, chercheur responsable du radiomètre spectral imageur de descente (DISR), pour qui «les traces de précipitation, d’érosion, d’abrasion mécanique et d’autres formes d’activité hydrologique constatées au niveau géologique montrent que les processus physiques qui ont façonné Titan sont très proches de ceux qui ont modelé la Terre ».

    A en juger par les spectaculaires images prises par le DISR, Titan présente de remarquables analogies avec la Terre du point de vue météorologique et géologique. Certaines images font apparaître un réseau complexe de chenaux de drainage étroits allant d’une zone claire de plateaux vers des zones de plus basse altitude, plus lisses et plus sombres. Ces chenaux se rejoignent pour former des systèmes fluviaux qui se dirigent vers des lacs asséchés dans lesquels on peut déceler des formes rappelant étrangement les îles et les hauts-fonds de notre planète.

    Les données du chromatographe en phase gazeuse et du spectromètre de masse (GCMS) et celles du module scientifique de surface (SSP) confortent les conclusions de Martin Tomasko. Les observations de Huygens plaident fortement en faveur d’une activité hydrologique à la surface de Titan. Le fluide en question est toutefois du méthane, composé organique simple qui peut exister sous forme liquide ou gazeuse sur Titan, où règnent des températures inférieures à –170°C, et non de l’eau, comme sur la Terre.

    Les rivières et les lacs de Titan semblent aujourd’hui à sec, mais il est possible que des précipitations soient tombées dans un passé peu éloigné.

    Les données de décélération et de pénétration fournies par le SSP montrent que le matériau présent sous la croûte de surface a la consistance du sable. Cet aspect s’explique-t-il par des précipitations de méthane qui se seraient abattues pendant une période incommensurable sur le sol de Titan, ou faut-il y voir le résultat d’un phénomène de remontée de liquide par capillarité depuis le sous-sol vers la surface ?

    La chaleur dégagée par la sonde a eu pour effet de réchauffer le sol à l’endroit où celle-ci s’est posée. Le GCMS et le SSP ont tous deux détecté des émanations de méthane gazeux issues par évaporation du matériau de surface, confortant l’idée que le méthane joue un rôle central dans la géologie et la météorologie atmosphérique de ce corps céleste – avec la formation de nuages et de précipitations exerçant sur la surface un effet d’érosion et d’abrasion.



    On constate par ailleurs sur les images du DISR la présence de petits galets arrondis jonchant le lit d’une rivière à sec. Les mesures spectrales (couleur) donnent à penser que ces galets seraient composés de glace d’eau sale plutôt que de roches silicatées, même s’ils sont solides comme des rocs compte tenu des températures mesurées sur Titan.

    Le sol de Titan semble constitué – au moins pour partie – de précipités issus de la brume organique qui enveloppe la planète. Ce matériau sombre qui se dépose en surface provient de l’atmosphère de Titan. Par un effet de lessivage, les précipitations de méthane entraînent cette substance des hautes altitudes vers le sol, où elle se concentre au fond des chenaux de drainage et dans les lits des rivières, contribuant à la formation des zones sombres visibles sur les images du DISR.

    Des indices inédits basés sur la découverte d’argon 40 dans l’atmosphère de Titan témoignent d’une activité volcanique ayant engendré non pas des éruptions de lave, comme sur Terre, mais de glace d’eau et d’ammoniaque.

    On peut donc dire que bon nombre des processus géophysiques observés sur Terre se retrouvent sur Titan. Du point de vue de la chimie, en revanche, les différences sont considérables. Titan n’a pas d’eau liquide, mais du méthane liquide ; pas de roches silicatées, mais de la glace d’eau ; pas de sol terreux, mais des dépôts de particules d’hydrocarbures d’origine atmosphérique. Et ses volcans n’ont pas craché de la lave, mais de la glace à très basse température.

    Cet univers extraordinaire abrite donc des processus géophysiques de type terrestre mais qui agissent sur des matériaux tout à fait exotiques dans des conditions très différentes des nôtres.

    « Nous avons là des résultats extraordinaires. Les chercheurs ont travaillé toute la semaine sans relâche car les données de Huygens sont absolument passionnantes. Et nous n’en sommes qu’au début ! Les données vont occuper les scientifiques pendant de nombreuses années », a précisé Jean-Pierre Lebreton, responsable de la mission Huygens à l’ESA.

    La mission Cassini-Huygens est le fruit d'une coopération entre la NASA, l'Agence spatiale européenne et l'Agence spatiale italienne (ASI). C'est le Jet Propulsion Laboratory (JPL), division du California Institute of Technology de Pasadena, qui a conçu, développé et assemblé l'orbiteur Cassini et qui gère aujourd'hui la mission pour le compte du Bureau des sciences spatiales de la NASA, installé à Washington, tandis que l’ESA est en charge de la sonde Huygens.

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  • Commentaires

    1
    hauteclaire Profil de hauteclaire
    Samedi 19 Avril 2008 à 07:12
    Titan, vraie fausse soeur jumelle de la terre, n'a pas fini de nous surprendre et de nous fasciner.
    Merci pour cette article passionnant
    2
    hauteclaire Profil de hauteclaire
    Samedi 19 Avril 2008 à 07:13
    Euh, bien sur cet article, je me suis laissé entraîner!
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