• Le voyage



    Une création à deux plumes: le voyage

    C'est avec plaisir que je vous annonce la création d'un nouvel opus à deux mains écrit avec Hauteclaire.

    Il s'agit d'une nouvelle de science fiction que vous allez découvrir, épisode après épisode!

    Jusqu'où ira cette histoire, nous ne le savons même pas !
    Embarquez et laissez-vous guider dans cette aventure cosmique.
  • Le voyage

    - Commander, venez voir ce que je viens de trouver !

    L'officier ainsi interpellé, étouffa un soupir. Depuis qu'ils étaient arrivés dans cette base spatiale désertée, il ne pouvait se défaire d'un sentiment de malaise. La base était manifestement abandonnée depuis des centaines d'années, et pourtant tout était resté dans un état presque parfait, comme si les habitants allaient revenir d'un instant à l'autre. Seule une poussière blanche recouvrant chaque chose, laissant leurs empreintes profondément visibles sur le sol, perturbait l'aspect net de l'endroit.

    Bien sûr, il s'agissait d'un satellite de la planète principale, sans atmosphère propre, et donc l'érosion n'avait presque pas joué de rôle. Les météorites avaient aussi par chance évité une surface portant pourtant de nombreuses marques, témoignages d'un passé agité.

    Tout cela le commander Zdem l'avait déjà vu, à de nombreuses reprises, depuis le temps déjà lointain de ses débuts dans la flotte d'exploration de sa planète natale. Les bases abandonnées, les civilisations éteintes étaient monnaie courante dans son métier, alors pourquoi cette sensation, ici, dans cet obscur système, placé en périphérie, près du bord d'un bras de la galaxie ?

    Cette découverte n'avait en soi pas grand intérêt, et si les supérieurs n'avaient pas ordonné, lui-même ne se serait pas arrêté à quelque chose d'aussi insignifiant et sans descendance attestée. Ils pouvaient tous être fiers de leur civilisation qui s'était répandue aux quatre coins de la galaxie, réunissant des civilisations d'origines très diverses, et les faisant vivre en bonne intelligence. Zdem lui-même appartenait à un peuple qui avait été nomade, durant de longs siècles. Ils avaient fini par s'installer sur sa planète natale, pour le meilleur et le plus grand bonheur de tous, amenant ainsi la prospérité sur Liatrra.
    De leur origine nomade était resté le goût des voyages et de la découverte, Zdem ne faisait pas exception, et avait vu de ses yeux la moitié au moins des astres de la galaxie.
    Mais il n'arrivait toujours pas à comprendre pourquoi on les avait envoyés là. Y aurait-il une idée d'implantation de colonie dans l'air ?

    Il regarda autour de lui.
    Ils s'étaient posés d'abord sur le satellite. Sans atmosphère, il serait plus facile de faire les vérifications d'usage sans avoir à craindre des gaz toxiques. L'atterrissage sur une surface plane, près de la construction s'était fait sans problème, et les investigations avaient commencé tout de suite. Il n'y avait personne bien sûr, mais jadis, le complexe devait avoir abrité une petite colonie d'une centaine d'individus, et pour l'époque, ils étaient vraiment bien installés. Des quartiers d'habitations, des serres pour subvenir aux besoins en nourriture, des laboratoires, tout cela était vraiment remarquable pour des gens qui avaient vécus il y avait si longtemps.
    Il y avait aussi les restes d'une sorte d'usine.
     
    Leurs appareils de mesure avaient fourni la durée de l'année de ce système, soit 365 jours de 24 heures chaque. La base avait révélé son âge dans la foulée, elle avait été bâtie deux mille ans auparavant, en donnée temporelle du système, soit 800 ans pour la planète de Zdem. Cela faisait quand même un sacré bout de temps, se dit-il, en parcourant les couloirs poussiéreux. Pourquoi avaient-ils abandonné leur construction, au lieu de l'étendre ? et qu'avaient-ils pu devenir ?
    Aucun corps n'avait été trouvé, pas plus que de cimetière, apparemment personne n'était mort ici.
    Quelque chose lui disait que la réponse allait se trouver sur la planète mère, en attendant il fallait voir ce que son second avait trouvé. Il n'avait pas son pareil pour dénicher les indices intéressants.

    Zdem retrouva Loqmar dans un des quartiers d'habitation, qui avait sans doute été celui du chef de la colonie, si la taille des lieux voulait dire quelque chose. Sous la poussière, tout était parfaitement rangé. La table, les deux chaises, les instruments, la petite pièce qui servait de chambre. Encore des vêtements dans les placards, figés dans le vide ambiant. S'ils avaient pu remettre en service une partie des éclairages, il n'y avait plus la moindre particule d'air. D'ailleurs sans en connaître la composition exacte, ce n'aurait pas été prudent.
     
    Loqmar était assis à la table, et avait posé devant lui un objet que Zdem identifia comme un livre. Un livre ! Un objet quasi mythique pour eux qui ne savaient que les plaques de lecture, objets métalliques et plats.
    Loqmar avait sorti le traducteur universel, et arboré un sourire ravi :
    Pas de problème pour traduire, venez voir ça ! Toute leur histoire est là-dedans !
    Zdem s'était assis sur la chaise abandonnée par son second, et avait écarquillé les yeux. Ce n'était pas un livre, mais un journal de bord, écrit à la main !
    Les scientifiques allaient être fous en voyant cela !
    Avec précaution, il avait tourné les pages, pour revenir à la première. L'écriture était petite, nette et précise. Le traducteur, posé à côté, fixant le papier de son œil perché au bout d'une tige flexible, transmettait le texte au fur et à mesure sur la plaque à laquelle il était relié. Il n'y avait rien d'extraordinaire, constata Zdem avec déception, la vie de n'importe quelle colonie, en un peu plus ancien pour le côté technique. S'en était confondant de banalité ! Loqmar derrière lui s'agitait, et n'y tenant plus se pencha par dessus son épaule, pour tourner les pages :
    - C'est à partir de là qu'il faut lire, s'exclama t-il.
    Il avait désigné le milieu à peu près du livre, et Zdem, sans relever l'incorrection inhabituelle de son second, avait commencé à lire.
    Tout de suite, il comprit que cette lecture allait changer le cours de sa vie...

    Tycho Moon, le 26 avril 25....
    Journal du capitaine Kevin Jourdin,
    En écrivant ces mots, j'ai le sentiment de commencer un nouveau journal, bien que je le fasse à la suite de l'ancien. Plus tard, peut-être je le relirai, ou quelqu'un d'autre le fera, et alors, je verrai, il verra, ce qui était ma vie, notre vie, avant...
    Voilà dix mois que j'ai été nommé à la tête de la base de Tycho Moon, sur notre bonne vieille lune. Tycho a déjà vingt ans, mais est si bien construite, qu'elle continue d'abriter les équipes de scientifiques qui demande à y venir. Toutefois, mon équipe a un but un peu différent, qui a été tenu secret jusqu'à ce jour. Nous devions finir de mettre au point notre premier vaisseau d'exploration galactique, exploitant la théorie désormais démontrée sur le dépassement de la vitesse lumière. Je ne vais pas m'étendre sur cette théorie, mais elle devait nous permettre de partir et peut-être de rencontrer d'autres habitants de notre coin d'univers. Depuis trois cent cinquante ans que notre terre est pacifiée, les peuples rassemblés sous l'autorité d'un gouvernement de coalition, nous nous sommes tournés vers la recherche, sans plus avoir à nous préoccuper d'écraser un hypothétique voisin, comme le faisaient nos aïeux. Nous manquait de pouvoir nous déplacer vite et loin, cette mission devait le permettre. Les travaux avançaient bien, nous étions tous optimistes, très bientôt nous pourrions nous lancer dans le grand voyage, et enfin savoir si nous étions seuls ou pas.

    Nous le savons maintenant, et sans avoir eu à bouger.
    La matinée avait débuté comme d'habitude, les travaux de routine, la bonne marche de la base, avant de reprendre la construction du vaisseau, le Star explorer.

    Une journée qui s'annonçait sans problème particulier. Je me souviens d'avoir eu une longue discussion avec le lieutenant Tamara Idrasseva sur les mérites comparés des vodkas russes et scandinaves. Il est étonnant de voir que des choses insignifiantes restent ancrées dans le souvenir, quand ce qui a vraiment de l'importance disparaît, ou devient flou.
    Nos programmes étaient bien établis, nous les suivions dans le cour de la routine quotidienne, quand tout à coup les alarmes ont retenti.

    Ils avaient surgi de nulle part, sans doute de cet espace prévu par la théorie, où les distances se contractent à l'extrême, celui que nous avions projeté d'explorer. Quatre vaisseaux, ou plutôt quatre sphères parfaites, sans aucune ouverture visible. Nous nous sommes précipités à nos postes, attendant un message, quelque chose...Mon Dieu !

    Les sphères sont passées si près au-dessus de la lune, que nous avons pu voir le détail de leurs coques .Un métal brun, lisse, sans marque d'assemblage visible. Des boules sans aspérités, simplement géantes, deux cents mètres de diamètre, d'après nos instruments.

    Elles sont passées sans faire attention à nous, dans un silence qui a fait taire les exclamations d'enthousiasme, puis sont allées prendre position autour de notre terre. L'attaque a commencé aussitôt, des ondes à la fréquence élevée qui ont déstabilisé l'équilibre de notre planète, produisant des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des raz de marées. En une heure tout était dit, les continents ressemblaient à une sorte de bouillie, et d'immenses nuages de cendres avaient recouvert le ciel. Nous avions encore quelques contacts radio avec la surface, des survivants parlant de l'apocalypse au milieu des décombres.

    Les sphères ont brusquement cessé toute activité. Allaient-elles simplement rester là, ayant déchargé toute leur fureur ? Des ouvertures sont apparu dans les coques, d'où est sortie une myriade d'autres sphères, répliques miniature des premières, entourant la terre d'un réseau serré. Elles ont immédiatement commencé le terraformage. Les éruptions ont cessé brutalement, comme les répliques de séismes, était-ce terminé ? Nous avons alors vu les masses d'air être brassées comme une vulgaire soupe, les courants atmosphériques être déviés. La température a chuté, il devenait clair que les sphères façonnaient une nouvelle terre prête à accueillir...qui ? Nos scanners avaient montré qu'il n'y avait personne dans les engins, nous étions décimés par de simples machines !

    Les derniers contacts radio que nous avons eu nous ont appris que les survivants qui le pouvaient, descendaient dans tout ce qui pouvait ressembler à un abri en sous-sol, seul espoir de salut, jusqu'à quand ?

    Les sphères mères sont reparties, nous les avons vues foncer dans l'espace et disparaître dans cette sorte de tunnel qui s'est ouvert devant elles. Elles ont laissé un sillage, creusé dans la trame de l'espace, ce sillage que nous nous apprêtons à suivre.

    Tout cela est arrivé il y a deux mois, et depuis nous ne savons plus rien de la surface, les liaisons sont coupées, mortes.
    Y a t-il encore des survivants sur ce qui fut notre monde natal ?

    Nous avons fini notre vaisseau, et tout à l'heure nous partirons, nous allons suivre les sphères, dans l'espoir qu'elles nous mènent là où tout a commencé. Comprendre ? Pour le moment c'est l'envie de vengeance qui nous habite.

    Dans une heure nous partons...


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  • Le voyage 2 : Le départ


    Le commander Zdem avait rejoint les quartiers dans la pointe Nord-est du croiseur de la ligue. La journée avait été longue et il était temps pour lui de prendre un repos bien mérité. Après avoir donné les consignes usuelles à son second Loqmar, il se dirigea vers la sortie de la passerelle de commandement et préféra emprunter à pieds l'avenue des serres qu'il ne tarda pas à longer. Zdem aimait bien la vue de cette végétation exubérante, un savant mélange de forêt vierge exubérante parsemée de cultures ordonnées.  Il rejoignit le carré des officiers et se dirigea dans son secteur qui se trouvait sous une surveillance robotisée. Après avoir franchi le scan d'identification ainsi que le sas de décontamination, il put rejoindre son antre. La porte se referma derrière lui.

    Après une douche réparatrice et une collation apaisante, Zdem observait de l'unique fenêtre de sa chambre la colonne des explorateurs qui déferlait du ventre du croiseur et partait en direction de l'usine. Ils allaient pouvoir ainsi assurer la relève de la première vague qui avait fait des prouesses en réactivant les circulateurs et conditionnement d'air de la base et avaient également assurés la mise en marche des convecteurs thermiques. Une fois la base assainie, il deviendrait possible d'y séjourner. Cette scène lui rappela avec nostalgie sa première mission qui avait débuté 15 ans auparavant sur Liatrra alors que le pathfinder, croiseur arborant le soleil rouge d'Antarès s'apprêtait à parcourir le bras de Persée. Malgré sa légendaire curiosité et sa réputation d'explorateur invétéré, Zdem était fatigué de ces trop longs voyages et l'odeur de sa terre, des fleurs colorées aux parfums si précieux lui manquaient assurément. Il opacifia la transparence de l'ouverture de la baie vitrée, la pièce s'illumina d'une lumière diffuse, il entama un demi-tour avant de saisir sa combinaison pour y extraire de la poche centrale le livre si précieux dans lequel était consigné le journal du capitaine Kevin Jourdin.

    Il s'installa sur son couchage, prit soin d'ajuster le bras souple du traducteur et reprit la lecture des évènements d'un passé révolu.

    Journal de bord du capitaine Jourdin, coordonnées inchangée.

    Les derniers essais réalisés sur notre vaisseau d'exploration sont concluants. La mise au point des convecteurs d'espace-temps est enfin achevée. Nous avons commencé le rapatriement dans le croiseur de tous les membres d'équipages. Seules deux groupes au sol se chargent du ravitaillement du Sélénium, source de carburant fissible utilisé par les pulseurs ioniques.

    Nous allons devoir quitter à tout jamais Tycho Moon, nous nous sommes concertés, et nous avons décidé à l'unanimité de partir, de suivre les sphères. Ici, plus rien ne nous retient, nous n'avons plus aucun contact avec notre monde natal.

    Puis les sirènes du Star explorer ont retenti, l'allumage des réacteurs de sustentation était imminent. Les deux groupes ont rejoins le vaisseau. J'ai donné l'ordre de décollage du vaisseau au lieutenant Idrasseva.

    Je vois encore l'ombre immense de la structure du Star explorer s'étaler sur la surface grise de notre satellite. Puis l'ombre s'est mise à  se mouvoir sur l'étendu du relief de Tycho Moon, mon regard s'attarda un instant sur notre monde d'origine, monde que nous quittions avec un esprit de vengeance presque aveugle. Nous partons corps et âmes vers l'inconnu, dans les pas d'un funeste sillage.

    C'est en croisant dans le champ de gravitation de la quatrième planète de notre système que l'activation automatique des réacteurs à pulsion ionique s'opéra. A partir de cette célérité un halo de stase baigna l'ensemble de la structure externe du  vaisseau assurant ainsi une protection contre les effets d'une accélération sur-relativiste. C'est à ce moment précis que le Star explorer put rejoindre les coordonnées de notre poste avancé, une base de recherche habitée par une centaine d'âmes, base placée sur la surface capricieuse d'un satellite d'une planète géante aux anneaux démesurés. En l'espace de quelques clignements de paupières nous venions d'atteindre notre plus lointain îlot d'humanité. Nous n'avons pas pu communiquer avec la base Avensis qui, curieusement, restait silencieuse à nos appels. Quelques secondes se sont écoulées et nous étions déjà sortis de l'influence gravitationnelle de notre système planétaire.

    Vu d'ici, notre astre prend une allure quasi quelconque se fondant presque avec le tapis des étoiles qui nous entoure, seule sa luminosité le différencie des autres étoiles. A ce moment précis, j'ai pris conscience que notre expédition était un aller simple sans retour, sans doute ce ressentiment provenait de notre éloignement relatif de notre point de départ déjà si reculé.

     Le Star explorer avait maintenant atteint la vitesse critique de la lumière, les distorsions de l'espace rendait impossible une vision nette du cosmos. Seuls les sondeurs pouvaient rendre compte de l'exacte position du vaisseau dans sa trajectoire et emboîter le pas du sillon encore vibrant des mystérieuses sphères destructives.

    J'ai donné l'ordre d'activation des générateurs de repliement spatial avec une célérité de distorsion avoisinant un facteur quatre de la vitesse lumière. Vu de la grande baie du pont de navigation, l'espace ne ressemble plus en rien à ce que nous avons pu découvrir jusqu'alors. La masse noire du cosmos avait viré au turquoise et la trajectoire que le vaisseau suivait,  semblait s'animer dans un vortex irisé d'éclairs épars de couleurs argentées. Je me dois de consigner ces quelques sensations, elles nous sont si nouvelles.

    Une chose était certaine, notre course rattrapait l'énorme avance prise par nos agresseurs mystérieux ! Puis les sphères ont ralenti, ce qui a eu pour conséquence immédiate de nous voir propulser beaucoup plus rapidement vers notre cible. J'ai pris la décision d'ordonner une décélération et l'armement du disrupteur sur les deux flèches de la proue du Star explorer. Notre vitesse subluminique était maintenue constante et permettait de retrouver un espace qui n'était plus soumis aux ondes de distorsion. Nous avons vu les objets se déplacer dans une  formation qui s'inscrivait dans une hélice parfaite. L'ensemble se mouvait avec une certaine élégance qui ne pouvait pas atténuer l'envie de vengeance que nous avions.

    Notre mission n'avait pas cette vocation mais les armes ont parlé.

     J'ai vu les visages des officiers du pont s'assombrir alors que l'unique salve d'anti matière perfora deux des trois incompréhensibles machines. Les multiples explosions éclatèrent la surface de ces engins. L'espace se repliait déjà sur les rares débris et reprenait sa place quand  j'ai constaté qu'il restait une unique sphère qui se dirigeait vers un système complexe de planètes qui orbitaient en périphérie d'Octus, dans la constellation des marches.

    Fin de rapport.


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  • L'exil

    Arrivé à ce point de sa lecture, Zdem reposa le livre sur sa poitrine, et les yeux mi-clos, se laissa aller à une certaine rêverie. La vengeance, et cette façon aveugle de tirer sur un ennemi inconnu...

    La ligue galactique dont faisait partie Liatrra depuis le jour de sa fondation, ou presque, avait réussi à bannir la violence et les guerres de son sein. Cela n'avait pas toujours été facile, ni même respecté, mais les systèmes avaient fini par évoluer ensemble, et la paix était à présent une réalité. Zdem lui-même était un représentant de la troisième génération à n'avoir jamais connu le moindre conflit, et il lui était d'ordinaire plus que difficile de comprendre cet état d'esprit archaïque. Pourtant cette fois, il devait bien reconnaître que le récit de ce capitaine d'un temps passé remuait quelque chose d'enfoui en lui. Après tout, se dit-il, tous les hominidés se ressemblent, et il nous reste forcement un fond de ce qui était le quotidien de nos ancêtres, quand il fallait lutter pour la survie, et que la vengeance faisait partie des mœurs courantes.

    Il n'empêchait, cette sorte de rage qui le saisissait à la gorge en lisant, le troublait dans sa soudaineté et sa violence, lui qui s'estimait comme hautement civilisé. Quelle régression !

    Les tout débuts de Liatrra étaient assez obscurs, personne ne savait avec certitude d'où venaient ceux qui formaient les premiers équipages, puis pionniers de leur planète. Sans doute de plusieurs origines, rencontrées ça et là, mais ils formaient un peuple très uni, et la seule idée de se voir attaqués ainsi, suffisait à lui faire ressentir ce que Jourdin et les siens avaient dû ressentir.

    Sensation bien inconfortable en fait, rappelant une nature primitive que des siècles de culture raffinée n'avaient pas réussi à complètement maîtriser. Il se promit de ne plus se laisser envahir par une trop grande empathie avec le capitaine du Star explorer, et de continuer sa lecture avec plus de détachement. La colère reflua, le laissant respirer plus librement. Il tourna la tête vers la fenêtre à côté de laquelle il avait fait installer sa couchette. Le coin inférieur s'opacifiait mal, défaut qu'il n'avait pas fait corriger, et qui lui permettait une vue certes très partielle, mais bien agréable, sur l'extérieur, sans avoir besoin de remettre le mode transparence.

    Les équipes de scientifiques étaient entrées dans la base de Tycho moon, et de nombreuses lumières témoignaient de l'activité retrouvée de celle-ci. Zdem avait été surpris quand son gouvernement, après le premier rapport, avait décidé de lui envoyer des renforts, et ordonné une exploration plus poussée. Ils devaient d'abord s'installer sur Tycho, et ensuite bien sûr continuer leur recherche sur la planète mère. Avec prudence toutefois, car ils ne savaient pas encore ce qui les attendait là-bas. Les scanners n'avaient rien décelé d'inquiétant, les effets des ravages provoqués par les sphères avaient depuis longtemps disparus. L'air était pur et dégagé, le volcanisme revenu à une activité normale, et même plutôt discrète, et l'activité tectonique faible. Restait qu'il pouvait y avoir des pièges un peu partout. Qui pouvait savoir ce que les sphères, et celles qui peut-être les suivaient, avaient laissé comme chausse-trape ? Il n'avait pas été trouvé de signe de civilisation, seulement des espèces animales, malgré tout là aussi la prudence prévalait, aussi des drones seraient envoyés en tout premier, à fin d'analyses les plus poussées possibles, précédant les chercheurs de Liatrra, et lui-même, car il n'était pas question qu'il ne descende pas.

    Les caméras avaient montré des océans occupant la plus grande partie de la planète. Les continents étaient couverts d'une végétation luxuriante, qui ne laissait pas voir grand chose de la surface. Les scanners avaient révélé, outre des êtres vivants, manifestement des animaux, des structures à moitié enfouies sous la jungle. Ils pensaient tous que des villes se trouvaient là, à portée de main, et l'impatience grandissait de pouvoir les explorer.

    Ayant fait ainsi un tour rassurant de son horizon familier, il reprit le journal de Jourdin pour continuer sa lecture, avec un esprit plus calme.


     


     


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  • Première approche (par Hauteclaire)

    La navette d'exploration filait vers la surface de la planète, que bien des générations avant leurs naissances, des êtres humains pensants avaient appelée Terre.

    Zdem et ses compagnons gardaient un silence un peu oppressé, et à vrai dire, il se demandait bien pourquoi. Ce n'était pas la première fois, ni même la dixième que eux tous partaient ainsi explorer une surface inconnue. Ils faisaient tous ce métier depuis des années, alors ? Tous les relevés indiquaient qu'aucun danger sérieux n'était à craindre, il fallait juste garder la prudence habituelle en un lieu inconnu. En d'autres contrées, ils avaient affronté des natures autrement plus inquiétantes, peuplées de monstres assoiffés de chairs, capables de transformer leur apparence de telle façon, que seules les lunettes à infra rouge permettaient de distinguer le végétal de l'animal à l'affût. Cette fois là, il s'en était sorti, lui Zdem, d'extrême justesse, déjà dans les griffes d'une de ces créatures, et il n'avait dû la vie qu'au coup de laser que Loqmar avait réussi à placer entre les deux yeux du fauve. Il gardait sur le dos les traces des griffes qui l'avaient saisi, et pourtant, il n'avait alors pas ressenti ce qu'il ressentait maintenant, ce mélange d'excitation et de ce qu'il était bien obligé d'appeler de la peur. Etait-ce à cause du journal de Tycho ? Savoir que toute une civilisation avait prospéré là, puis avait été détruite de si terrible manière ? La crainte de se retrouver devant des pièges insoupçonnés laissés par les sphères ?

    Il avait bien dû raconter ce qu'il lisait, et apparemment les hommes de son équipe partageaient les mêmes sentiments, se jetant des coups d'œil furtifs. Seul le botaniste paraissait détendu. Il faut dire qu'il ne venait pas de Liattra, mais d'un système voisin, où la planète principale était recouverte d'une jungle inextricable, impossible à vraiment défricher. Les habitants y avaient développé une technologie unique, où tous les matériaux étaient d'origine végétale, des murs des maisons, jusqu'au moindre outil. Par la force des choses, ils étaient des botanistes de grand renom, et les meilleurs d'entres eux étaient demandés aux quatre coins de la galaxie pour des expertises. Lirio Mat vérifiait son matériel de prélèvement avec la plus grande décontraction, et Zdem ne put s'empêcher d'admirer encore les fioles faites avec le suc d'une plante locale, qui traité par leur soin, devenait dur comme du verre armé, et transparent comme du cristal. Quant au botaniste lui-même, il tranchait sur ses collègues du moment, avec sa peau zébré de vert sombre, et ses cheveux de jade. Il était arrivé deux jours auparavant, et s'il avait manifesté un intérêt poli pour le journal, la végétation terrienne était sa seule véritable préoccupation.

    Se désintéressant de Lirio Mat, Zdem retourna en pensée aux écrits du capitaine Jourdin, dont il se sentait de plus en plus proche, malgré les huit cents ans écoulés. Le même sens des responsabilités les animait de toute évidence, mais de plus, les sentiments évoqués par Jourdin, trouvaient un écho profond chez Zdem, qui s'en étonnait et se le reprochait. Il devrait faire preuve de plus de détachement et du professionnalisme qui d'ordinaire était le sien.

    Le matin même, avant le départ, et alors que tant de choses restaient à vérifier, il n'avait pu s'empêcher de lire quelques pages, qui s'étaient imprimées dans son cerveau, comme écrites en lettres de feu.

    Nous avons suivi la sphère survivante, qui nous entraînait vers une région assez clairsemée de ce bout de galaxie. A bord, un silence de mort régnait et les visages étaient crispés. Nous avions vu le passage se refermer derrière nous, alors que nous faisions volte face pour nous y ré engager. Les balayages de la zone que nous avons fait désespérément n'ont rien donné. Sans doute fallait-il un signal spécifique venant de la sphère pour l'ouvrir ? La décision que nous avons prise était la seule sensée, et l'avons prise immédiatement, la sphère s'éloignant rapidement.

    Mais où allait-elle nous emmener ? Faudrait-il traiter avec nos agresseurs ? Allait-il falloir se battre ? Nous l'avons suivie sur ce qui devenait des millions de kilomètres, avant de déceler des émissions radio qui en provenait. Il s'agissait très certainement d'un code d'approche assez rudimentaire, l'engin paraissant au demeurant relativement peu évolué. Il n'avait jamais tenté de nous attaquer, alors que nous le suivions de près, ni de nous semer. Son œuvre de destruction terminée, la sphère retournait vers son monde d'origine, sans plus. Un soleil est apparu dans nos détecteurs, puis sur nos écran, une belle grosse boule flamboyante, un peu plus importante que la nôtre, escortée d'une bonne vingtaine de planètes. La sphère s'est dirigée vers la cinquième, tout en ralentissant.

    Nous étions arrivés au but de notre chasse.

    Un moment de flottement a suivi, que devions-nous faire ? Fallait-il s'attendre à une attaque immédiate ? Instinctivement nous avons attendu un message, une menace, voire même un tir venant de la planète, tout en surveillant la sphère rescapée, au cas où elle se retournerait contre nous.

    En fait, elle s'était arrêté en orbite basse, et stabilisée, elle ne donnait plus aucun signe d'activité, et de la planète, rien ne venait. Nous avons commencé à scanner prudemment la surface, qui apparut assez clairement sous une atmosphère un peu plus légère que celle de la terre. Des continents, assez petits et plus nombreux que chez nous, des océans, rien que de très habituel pour nous. Cette toute première exploration, faite dans l'urgence et le désespoir révélait un monde qui nous était familier, comme si la vie répétait un même modèle éprouvé.

    Et cette vie, où se cachait-elle ? Le scanner ne décelait rien, absolument rien, ni sur les continents, ni dans les océans. Qu'est-ce que cela pouvait signifier ?

    Il fallait s'approcher, coûte que coûte . Nous avons remis les moteurs en marche, et avons pénétré la haute atmosphère. Là-haut, au-dessus de nous, la sphère, impavide, restait suspendue, sans rien manifester. Nous avons survolé la surface de l'océan, puis nous nous sommes approchés d'un continent, puis d'un autre, et d'un troisième, de plus en plus surpris.

    Une alternance de forêts et de plaines, des fleuves, des lacs, toujours cette impression de familiarité. Pourtant il y avait une différence, et elle était de taille, pas la moindre ville en vue, ni même un village. Qui alors avait créé les sphères ?

    Hauteclaire

    Image par Foxxy 1


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  • le feu de camps (par Hauteclaire)

    A force de quadriller, nous avons fini par repérer une sorte de monticule, une déformation dans l'ordonnance des arbres de cette forêt Nous nous sommes mis en position juste au-dessus, et une navette a été préparée et nous sommes descendus, moi et trois hommes. Le lieutenant Idrasseva est restée à bord, si quelque chose devait se produire, et que je ne revienne pas, elle saurait prendre le commandement. Nous nous sommes rapprochés, laissant la prudence de côté, contre toute raison. Qui ou quoi que se fut qui nous attendait, caché sous la végétation, nous devions absolument lui parler, tenter de comprendre, et arracher le secret de notre retour vers notre monde.

    Notre navette a survolé la cime des arbres, là où la déformation était plus évidente, et nous avons compris. Une ville était là, camouflée sous une sorte de dôme transparent, sur lequel la forêt avait poussé, suffisamment pour la rendre invisible.

    Quand je dis la forêt, le terme est inexact. En fait, les arbres n'auraient pu prendre racine sur ce dôme de matériau lisse, mais au fil du temps, de la terre s'était déposée, et de petites plantes courtes, des lianes venues des arbres, et même des fleurs, avaient composé cette sorte de revêtement qui camouflait la structure entourant la ville.

    Les arbres, de taille impressionnante, en se courbant plus ou moins au-dessus, parachevaient l'illusion d'une végétation vierge de toute présence humaine. Il nous fallait approcher !

    Zdem reposa le journal, et repoussa le traducteur. Son esprit en ébullition avait du mal à suivre le récit écrit, en s'échappant sans cesse, pour retourner sur terre, et repasser sur l' écran de la mémoire ce qui avait été le premier jour d'exploration.

    La similitude avec le journal le poursuivait, et il ne pouvait s'empêcher de relier entre eux les deux évènements. Il secoua la tête, un peu agacé avec lui-même. Toujours cette empathie exagérée avec le commandant de la base. Après tout, cet homme avait disparu huit cents ans avant sa naissance et il était sûrement bien différent dans ses habitudes, sa vie quotidienne, sa manière de penser. Pourtant...

    La navette d'exploration avait atterri dans un silence pesant, sur une plage de sable. La ville qui avait été repérée, ou ce qu'il en restait, ce dressait à une dizaine de kilomètres de là. La distance était courte, mais il allait falloir se frayer un chemin, car la nature, exubérante, avait repris ses droits, et créé un tel enchevêtrement végétal, qu'il n'était pas possible d'approcher davantage le petit vaisseau.

    C'était la fin de l'été sur la côte ouest de ce continent austral. Une belle journée, lumineuse et claire, pas trop chaude. L'océan, d'une couleur gris-bleu, roulait paisiblement de petites vagues sur un sable beige pâle. Il y avait quelques dunes, puis la frange des arbres qui barrait l'horizon comme un coup de pinceau. Le paysage était beau, tranquille, mais Zdem ne pouvait se défaire de son appréhension.

    Lirio Mat avait immédiatement prit la direction des opérations, sans que personne ne le lui conteste. En habitué des expéditions en milieu végétal, il n'avait aucune difficulté à se repérer dans ce fouillis La principale difficulté venait du fait qu'il s'arrêtait tous les vingt pas pour se pencher avec enthousiasme sur ce qui était une plante insignifiante pour les autres. Il fallait le presser, une fois l'échantillon recueilli.

    La forêt était dense, mais de taille humaine, rien à voir avec ce que décrivait Jourdin, et si des armes défensives étaient prêtes à toute éventualité, elle ne semblait pas abriter d'espèces réellement dangereuse. Ils avaient vu brièvement un animal d'une belle taille, portant des bois ramifiés, qui les avait regardés avec curiosité avant de disparaître dans les taillis. Les oiseaux s'étaient tus un moment, puis avaient repris leurs chants, comme si de rien n'était. La nature n'avait plus vu d'êtres humains depuis des centaines d'années, et les avait oublies, oubliée aussi la peur qu'ils avaient sûrement inspiré à ces créatures.

    Sous la conduite de Lirio ils se rapprochèrent néanmoins assez vite de leur but, tout en constatant la jeunesse de ce qui les entourait, en termes géologiques. L'idée s'imposa que cette forêt avait pu profiter des circonstances pour prospérer. Un fleuve serpentait assez paresseusement malgré sa largeur, avant de se jeter dans la mer

    Il fallut quand même marcher une demi journée, et le soleil venait juste de dépasser son point le plus haut, quand ils s'étaient retrouvés devant les premières constructions.

    Zdem et ses compagnons avaient été frappés immédiatement par l'aspect des ruines Il était clair qu'il ne s'agissait pas du seul passage du temps.

    Les édifices, qui avaient dû être des tours de taille moyenne, étaient éventrés, exposant aux regards leurs entrailles de ferrailles tordues. La végétation était depuis longtemps monté à l'assaut des murs désertés, sans parvenir à complètement cacher le désastre. Le sol lui-même, irrégulier, paraissait comme haché par endroits. Les sphères s'étaient certainement acharnées sur cette ville, en la labourant comme des griffes de fauves. La petite équipe pouvait facilement voir ce qui était arrivé là, malgré le temps écoulé. Même Lirio Mat avait pris un air soucieux, un peu crispé, ramassant presque distraitement les échantillons qui serviraient ses analyses. Progresser devenait plus difficile, et atteindre le but fixé, à savoir le centre de la ville, près du fleuve qui la traversait, allait prendre plus de temps que prévu. Il faudrait sans doute passer la nuit sur place, ce qui avait été prévu dans les programmes possibles.

    Nous avons marché assez facilement, les arbres étaient immenses, bien plus que les nôtres, mais ils n'abritaient pas une telle densité de végétation sous leurs branches. Ce qui était surprenant, et finalement très dérangeant, était le silence régnant sur cette planète. Pas le moindre chant d'oiseau, aucun animal pour nous observer, et aucun être humain pour venir au-devant de nous, ou nous combattre. Dans ces conditions, nous avancions rapidement vers la ville entrevue.

    La décision de camper pour la nuit avait été prise rapidement. Le centre était encore assez loin, et l'atteindre en pleine nuit pas réellement intéressant. Le matériel compressé avait été déployé, formant des abris très efficaces contre les éléments, et même des attaques animales. Au matin, il suffirait d'actionner le mécanisme, et chaque abri retrouverait sa place dans le sac, redevenu plat comme un écran d'ordinateur. Remerciant mentalement Ler Zteris, l'inventeur du système de compression, Zdem avait décidé de l'emplacement du petit campement, au milieu de ce qui avait dû être un lieu de réunion, ou de spectacle peut-être, avec de hauts gradins qui subsistaient sur un côté. Le reste était écroulé, et recouvert d'herbe. Le large espace central, dégagé, permettrait de voir si quelque chose approchait

    Le petit campement avait donc été rapidement dressé, à l'ancienne, autour d'un feu de camps.

    Ce n'était pas les débris végétaux qui manquaient pour l'alimenter !

    L'équipe était fatiguée, résultat de cette tension nerveuse palpable depuis le début de la mission, et tous se retirèrent rapidement sous les petites tentes, sauf Loqmar, qui s'était dévoué pour le premier tour de garde.

    Zdem, allongé dans son couchage décompressé, s'était dit qu'il aurait aussi bien pu prendre ce tour, car il n'arrivait pas à trouver le sommeil, préoccupé par la mission, et peut-être plus encore par ce qu'il avait lu dans le journal de Jourdin.

    Ce journal, il avait dû le laisser sur Tycho, et le traducteur n'arrivait à livrer que quelques pages à la fois, laissant le lecteur plus impatient à chaque interruption. Il ne pouvait que retourner les dernières phrases dans son esprit.

    Brusquement Il y eu une trouée dans les arbres, et nous nous sommes trouvés devant la coupole transparente. Transparente ? Elle ne l'était plus tellement, la terre, les pluies, les végétaux avaient formé une pellicule qui rendait la vision vers l'intérieur assez floue. Il y avait de nombreux édifices, hauts, massifs, et ils paraissaient trembler au travers de cette crasse accumulée. Nous nous doutions déjà de ce qui nous attendait.

    Texte de Hauteclaire

    image par Foxxy



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