• Le voyage

    Le voyage

    - Commander, venez voir ce que je viens de trouver !

    L'officier ainsi interpellé, étouffa un soupir. Depuis qu'ils étaient arrivés dans cette base spatiale désertée, il ne pouvait se défaire d'un sentiment de malaise. La base était manifestement abandonnée depuis des centaines d'années, et pourtant tout était resté dans un état presque parfait, comme si les habitants allaient revenir d'un instant à l'autre. Seule une poussière blanche recouvrant chaque chose, laissant leurs empreintes profondément visibles sur le sol, perturbait l'aspect net de l'endroit.

    Bien sûr, il s'agissait d'un satellite de la planète principale, sans atmosphère propre, et donc l'érosion n'avait presque pas joué de rôle. Les météorites avaient aussi par chance évité une surface portant pourtant de nombreuses marques, témoignages d'un passé agité.

    Tout cela le commander Zdem l'avait déjà vu, à de nombreuses reprises, depuis le temps déjà lointain de ses débuts dans la flotte d'exploration de sa planète natale. Les bases abandonnées, les civilisations éteintes étaient monnaie courante dans son métier, alors pourquoi cette sensation, ici, dans cet obscur système, placé en périphérie, près du bord d'un bras de la galaxie ?

    Cette découverte n'avait en soi pas grand intérêt, et si les supérieurs n'avaient pas ordonné, lui-même ne se serait pas arrêté à quelque chose d'aussi insignifiant et sans descendance attestée. Ils pouvaient tous être fiers de leur civilisation qui s'était répandue aux quatre coins de la galaxie, réunissant des civilisations d'origines très diverses, et les faisant vivre en bonne intelligence. Zdem lui-même appartenait à un peuple qui avait été nomade, durant de longs siècles. Ils avaient fini par s'installer sur sa planète natale, pour le meilleur et le plus grand bonheur de tous, amenant ainsi la prospérité sur Liatrra.
    De leur origine nomade était resté le goût des voyages et de la découverte, Zdem ne faisait pas exception, et avait vu de ses yeux la moitié au moins des astres de la galaxie.
    Mais il n'arrivait toujours pas à comprendre pourquoi on les avait envoyés là. Y aurait-il une idée d'implantation de colonie dans l'air ?

    Il regarda autour de lui.
    Ils s'étaient posés d'abord sur le satellite. Sans atmosphère, il serait plus facile de faire les vérifications d'usage sans avoir à craindre des gaz toxiques. L'atterrissage sur une surface plane, près de la construction s'était fait sans problème, et les investigations avaient commencé tout de suite. Il n'y avait personne bien sûr, mais jadis, le complexe devait avoir abrité une petite colonie d'une centaine d'individus, et pour l'époque, ils étaient vraiment bien installés. Des quartiers d'habitations, des serres pour subvenir aux besoins en nourriture, des laboratoires, tout cela était vraiment remarquable pour des gens qui avaient vécus il y avait si longtemps.
    Il y avait aussi les restes d'une sorte d'usine.
     
    Leurs appareils de mesure avaient fourni la durée de l'année de ce système, soit 365 jours de 24 heures chaque. La base avait révélé son âge dans la foulée, elle avait été bâtie deux mille ans auparavant, en donnée temporelle du système, soit 800 ans pour la planète de Zdem. Cela faisait quand même un sacré bout de temps, se dit-il, en parcourant les couloirs poussiéreux. Pourquoi avaient-ils abandonné leur construction, au lieu de l'étendre ? et qu'avaient-ils pu devenir ?
    Aucun corps n'avait été trouvé, pas plus que de cimetière, apparemment personne n'était mort ici.
    Quelque chose lui disait que la réponse allait se trouver sur la planète mère, en attendant il fallait voir ce que son second avait trouvé. Il n'avait pas son pareil pour dénicher les indices intéressants.

    Zdem retrouva Loqmar dans un des quartiers d'habitation, qui avait sans doute été celui du chef de la colonie, si la taille des lieux voulait dire quelque chose. Sous la poussière, tout était parfaitement rangé. La table, les deux chaises, les instruments, la petite pièce qui servait de chambre. Encore des vêtements dans les placards, figés dans le vide ambiant. S'ils avaient pu remettre en service une partie des éclairages, il n'y avait plus la moindre particule d'air. D'ailleurs sans en connaître la composition exacte, ce n'aurait pas été prudent.
     
    Loqmar était assis à la table, et avait posé devant lui un objet que Zdem identifia comme un livre. Un livre ! Un objet quasi mythique pour eux qui ne savaient que les plaques de lecture, objets métalliques et plats.
    Loqmar avait sorti le traducteur universel, et arboré un sourire ravi :
    Pas de problème pour traduire, venez voir ça ! Toute leur histoire est là-dedans !
    Zdem s'était assis sur la chaise abandonnée par son second, et avait écarquillé les yeux. Ce n'était pas un livre, mais un journal de bord, écrit à la main !
    Les scientifiques allaient être fous en voyant cela !
    Avec précaution, il avait tourné les pages, pour revenir à la première. L'écriture était petite, nette et précise. Le traducteur, posé à côté, fixant le papier de son œil perché au bout d'une tige flexible, transmettait le texte au fur et à mesure sur la plaque à laquelle il était relié. Il n'y avait rien d'extraordinaire, constata Zdem avec déception, la vie de n'importe quelle colonie, en un peu plus ancien pour le côté technique. S'en était confondant de banalité ! Loqmar derrière lui s'agitait, et n'y tenant plus se pencha par dessus son épaule, pour tourner les pages :
    - C'est à partir de là qu'il faut lire, s'exclama t-il.
    Il avait désigné le milieu à peu près du livre, et Zdem, sans relever l'incorrection inhabituelle de son second, avait commencé à lire.
    Tout de suite, il comprit que cette lecture allait changer le cours de sa vie...

    Tycho Moon, le 26 avril 25....
    Journal du capitaine Kevin Jourdin,
    En écrivant ces mots, j'ai le sentiment de commencer un nouveau journal, bien que je le fasse à la suite de l'ancien. Plus tard, peut-être je le relirai, ou quelqu'un d'autre le fera, et alors, je verrai, il verra, ce qui était ma vie, notre vie, avant...
    Voilà dix mois que j'ai été nommé à la tête de la base de Tycho Moon, sur notre bonne vieille lune. Tycho a déjà vingt ans, mais est si bien construite, qu'elle continue d'abriter les équipes de scientifiques qui demande à y venir. Toutefois, mon équipe a un but un peu différent, qui a été tenu secret jusqu'à ce jour. Nous devions finir de mettre au point notre premier vaisseau d'exploration galactique, exploitant la théorie désormais démontrée sur le dépassement de la vitesse lumière. Je ne vais pas m'étendre sur cette théorie, mais elle devait nous permettre de partir et peut-être de rencontrer d'autres habitants de notre coin d'univers. Depuis trois cent cinquante ans que notre terre est pacifiée, les peuples rassemblés sous l'autorité d'un gouvernement de coalition, nous nous sommes tournés vers la recherche, sans plus avoir à nous préoccuper d'écraser un hypothétique voisin, comme le faisaient nos aïeux. Nous manquait de pouvoir nous déplacer vite et loin, cette mission devait le permettre. Les travaux avançaient bien, nous étions tous optimistes, très bientôt nous pourrions nous lancer dans le grand voyage, et enfin savoir si nous étions seuls ou pas.

    Nous le savons maintenant, et sans avoir eu à bouger.
    La matinée avait débuté comme d'habitude, les travaux de routine, la bonne marche de la base, avant de reprendre la construction du vaisseau, le Star explorer.

    Une journée qui s'annonçait sans problème particulier. Je me souviens d'avoir eu une longue discussion avec le lieutenant Tamara Idrasseva sur les mérites comparés des vodkas russes et scandinaves. Il est étonnant de voir que des choses insignifiantes restent ancrées dans le souvenir, quand ce qui a vraiment de l'importance disparaît, ou devient flou.
    Nos programmes étaient bien établis, nous les suivions dans le cour de la routine quotidienne, quand tout à coup les alarmes ont retenti.

    Ils avaient surgi de nulle part, sans doute de cet espace prévu par la théorie, où les distances se contractent à l'extrême, celui que nous avions projeté d'explorer. Quatre vaisseaux, ou plutôt quatre sphères parfaites, sans aucune ouverture visible. Nous nous sommes précipités à nos postes, attendant un message, quelque chose...Mon Dieu !

    Les sphères sont passées si près au-dessus de la lune, que nous avons pu voir le détail de leurs coques .Un métal brun, lisse, sans marque d'assemblage visible. Des boules sans aspérités, simplement géantes, deux cents mètres de diamètre, d'après nos instruments.

    Elles sont passées sans faire attention à nous, dans un silence qui a fait taire les exclamations d'enthousiasme, puis sont allées prendre position autour de notre terre. L'attaque a commencé aussitôt, des ondes à la fréquence élevée qui ont déstabilisé l'équilibre de notre planète, produisant des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des raz de marées. En une heure tout était dit, les continents ressemblaient à une sorte de bouillie, et d'immenses nuages de cendres avaient recouvert le ciel. Nous avions encore quelques contacts radio avec la surface, des survivants parlant de l'apocalypse au milieu des décombres.

    Les sphères ont brusquement cessé toute activité. Allaient-elles simplement rester là, ayant déchargé toute leur fureur ? Des ouvertures sont apparu dans les coques, d'où est sortie une myriade d'autres sphères, répliques miniature des premières, entourant la terre d'un réseau serré. Elles ont immédiatement commencé le terraformage. Les éruptions ont cessé brutalement, comme les répliques de séismes, était-ce terminé ? Nous avons alors vu les masses d'air être brassées comme une vulgaire soupe, les courants atmosphériques être déviés. La température a chuté, il devenait clair que les sphères façonnaient une nouvelle terre prête à accueillir...qui ? Nos scanners avaient montré qu'il n'y avait personne dans les engins, nous étions décimés par de simples machines !

    Les derniers contacts radio que nous avons eu nous ont appris que les survivants qui le pouvaient, descendaient dans tout ce qui pouvait ressembler à un abri en sous-sol, seul espoir de salut, jusqu'à quand ?

    Les sphères mères sont reparties, nous les avons vues foncer dans l'espace et disparaître dans cette sorte de tunnel qui s'est ouvert devant elles. Elles ont laissé un sillage, creusé dans la trame de l'espace, ce sillage que nous nous apprêtons à suivre.

    Tout cela est arrivé il y a deux mois, et depuis nous ne savons plus rien de la surface, les liaisons sont coupées, mortes.
    Y a t-il encore des survivants sur ce qui fut notre monde natal ?

    Nous avons fini notre vaisseau, et tout à l'heure nous partirons, nous allons suivre les sphères, dans l'espoir qu'elles nous mènent là où tout a commencé. Comprendre ? Pour le moment c'est l'envie de vengeance qui nous habite.

    Dans une heure nous partons...


  • Commentaires

    1
    Mercredi 20 Mai 2009 à 00:09
    le voyage a commencé,
    il nous mènera loin 
    bisous Foxxy
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    2
    Numéro de série 23 Profil de Numéro de série 23
    Mardi 25 Août 2009 à 21:46
    Hé, hé, moi aussi je me suis mis aux commandes, tous les ingrédients d'un bon récit de science-fiction réunis pour le plus grand plaisir des amateurs. Cela promet un beau voyage, merci à tous les deux...
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