• Nous lèverons notre position demain.

     Déjà les hommes préparent notre départ et certains sont partis très tôt ce matin pour relever le meilleur itinéraire à suivre en évitant à la fois de trop s'éloigner du troupeau toujours en mouvance, ainsi que tout terrain trop accidenté. N'oublions pas que nous nous déplaçons, femmes, enfants et sages anciens, vivres et armes en guise de fardeau; par conséquent, il faut choisir le chemin le plus sûr, le moins fatigant, à la bonne distance de sécurité des dents de sabre et en essayant de respecter les mille pas qui nous séparent du troupeau. Je fais parti des hommes qui ouvrent ce terrain.

    Le soleil est maintenant très haut et, à la saison estivale, très chaud sous notre latitude. Nous décidons de stopper notre marche, à l'ombre de grands arbres, au pied d'une rivière calme et tranquille. Nous nous reposons de notre longue marche et décidons de manger. J'allume un feu, c'est un rituel que je me dois d'exécuter, je suis de plus en plus efficace sur ce sujet et m'en félicite intérieurement. Mes gestes sont lents et précis, les flammes jaillissent, aidées par la poudre d'amadouvier séchée. Ce feu ne nous servira pas à nous réchauffer, il fait déjà bien chaud en été. Nous réchaufferons plutôt notre repas avec. Il faut ajouter à cela que cette flambée éloigne les prédateurs et la fumée qu'elle dégage augmente encore la distance qui nous sépare d'eux. Je m'éloigne un peu du groupe et décide, comme d'habitude, de me rafraîchir en me baignant dans la douce eau de cette rivière.

    Je nage. J'ai toujours été impressionné par cette sensation de légèreté dans l'eau. La rivière me porte sur son dos, je me laisse transporter lentement subissant le courant, détendu et attentif. L'air est si pur, l'eau de la rivière si rafraîchissante et si limpide, les ombres des feuillages des arbres qui longent la berge dessinent ça et là, des formes magiques en milles étoiles dansantes, reflets mouvants de l'astre divin. Je suis heureux. Je savoure avec un plaisir immense ce doux moment de repos. Soudain, j'ai une impression particulière, je perçois quelque chose de pas habituel du tout, mais quoi ?

    Quel est le sens qui a détecté l'anomalie ? La sensation est trop peu perceptible. D'un coup de reins, je fais basculer mon corps flottant verticalement, je m'arrête de bouger et tente d'analyser le mieux possible la situation. Mes yeux scrutent les berges alternativement, mes oreilles captent le moindre bruit, est-ce un animal ? Non, je sais à présent, c'est l'odeur caractéristique d'un feu de bois. Des humains ne sont pas loin. J'aperçois une légère colonne de fumée qui se dégage à cent pas de ma position. Il faut à tout prix avertir les autres, des humains ... des humains quel horreur, c'est sûr, ils ne sont pas des nôtres ! Notre chef éclairé décidera certainement de procéder à une attaque, articulée d'assauts organisés. De retour auprès du groupe d'éclaireurs, j'explique ce que je viens de découvrir. Notre feu est éteint rapidement, éparpillé puis camouflé, nous ne laisserons aucune trace de notre passage. Nous levons rapidement notre position à la hâte et courons rejoindre les nôtres, le plus vite possible. A la vitesse ou nous progressons, nous les atteindrons dans très peu de temps. Le soleil est encore haut quand nous arrivons au sein de notre tribu. J'explique au chef ce que je viens de découvrir.

    Il ne me questionne même pas. Il est là, me dévisageant, la pensée bien ailleurs. Son silence me gène. Il dit soudain à voix haute que nous devons les attaquer et les éliminer du premier au dernier. Il dit que nous retrouverons la tribu et le troupeau que nous suivons après avoir savouré une victoire sur l'ennemi, cette horde d'individus qui ne peuvent pas être plus évolué que nous. Il sélectionne lui-même les hommes qui vont changer de statut, pendant le temps d'une bataille, passant de chasseur à guerrier. Il faut préparer les armes, les haches les plus dangereuses, les lances piques et gourdins, coutelas de silex. Des tas de pierres, érigées sur le lieu de l'attaque, seront utilisées comme projectiles mortels, lancés au début de l'assaut par des frondes habilement maniées. C'est ce que notre chef a décidé. Les hommes de la tribu obtempèrent en silence. Nous partirons demain à l'aube. Le groupe des trente guerriers se tient maintenant à l'écart de la tribu. Je prépare précautionneusement l'onguent qui nous protégera des blessures éventuelles de l'ennemi. Nous frottons nos corps de cette préparation supposée magique. Je récite ensuite les formules qui doivent, à coup sûr, assurer notre victoire.

    Enfin, notre rythme favori est exécuté, Les chants de victoire couvrent les voix de la nature qui nous entoure. Je choisis ce moment pour jeter ma mixture d'amadouvier séché dans le feu que j'entretiens. Les flammes jaillissent, d'un bleu inquiétant et d'une intensité qui me fait faire un pas en retrait, surpris. Nous buvons, l'un après l'autre, l'alcool de figue fermentée dans une grande feuille d'un vert soutenu. Ce cérémonial se déroule sur des rythmes de plus en plus rapides. Ce n'est qu'à la deuxième tournée de ce breuvage, que certains hommes se lèvent et dansent en tournant autour du foyer. Ils exécutent un simulacre de combat avec un ennemi virtuel.

    La lune a déplacé nos ombres sautillantes, le moment de calmer la danse s'impose. Les guerriers vont dormir à présent, il faut avoir un corps bien reposé pour donner le maximum de nos capacités dans notre future bataille. Pour ma part, je me sens intérieurement coupable de tout ce qui arrive. Qu'avons-nous à gagner à vouloir ainsi éliminer tout simplement des humains inconnus, une toute relative tranquillité ethnique ? Je suis furieux contre moi-même, j'aurais pu ne rien dire, mais une fois de plus, la peur de l'inconnu m'a fait réagir d'une façon totalement stupide. Tout cela est mon œuvre guidée par l'autorité de notre chef l'ancêtre. Je m'endors soucieux, plein de remords. J'ai peur des conséquences de mon acte primaire. La honte ronge mes entrailles.


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  • Cela fait trois soleils que nous nous sommes éloignés du troupeau, nous profitons encore de la fraîcheur matinale de ce début d'été. L'air est rempli de rosée, le soleil encore très bas à l'horizon jette des couleurs flamboyantes.

     Je me lève et me dirige vers le lit du ruisseau. Je me débarrasse de mes rares habits et me baigne dans le courant tout juste perceptible de cette onde liquide. Après ce doux et rafraîchissant moment, il est grand temps d'allumer le feu de cette journée. J'en ai la charge, j'accomplis mon devoir. En frappant certaines pierres entre elles, des étincelles jaillissent, enflamment des brindilles savamment disposées, le feu est allumé.

     Quoi de plus délicat à réaliser ! Seuls quelques sorciers bien avertis sont capables d'accomplir cet ouvrage. J'ai pourtant l'étrange sentiment qu'il est possible d'améliorer le procédé. Il faut dire que c'est tellement aléatoire de brûler des brindilles que l'on ne connaît pas toujours ! Il faut pourtant trouver le moyen qui permette une accélération de la combustion du départ d'un foyer. Je dois absolument trouver une solution à ce problème. Faisons appel à un ami intime infidèle, la mémoire.

    Ca y est, j'y suis ! Je me souviens de cette nuit fraîche d'hiver, il y a quatre cycles de cela, nous étions réunis autour de ma flambée réconfortante. Il faisait froid et mon feu adoucissait les corps et apaisait les esprits. J'avais jeté machinalement un morceau d'amadouvier séché dans le foyer. Il s'était alors échappé des flammes beaucoup plus hautes, aux couleurs changeantes. Si cette substance est capable de doubler un feu instantanément, elle peut très certainement l'aider à jaillir. Passons à l'exercice pratique, c'est la seule voie que je puisse explorer pour prouver ce fait. Ayant rapidement exécuté l'expérience, je constate que cette matière assure un allumage aisé et certain. Cette découverte doit être tenue dans le secret le plus absolu. Ils ne sont pas prêts à "digérer" cette nouveauté. Non, je ne dirai rien, ils seraient trop capables d'utiliser mon invention pour répandre l'odeur de la mort.


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  • Vue dominante vers le lac

    Italie du nord, région des lacs à la frontière de la Suisse.

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  • Perché

    Domination oisive !

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  • Il faut avouer que je vous dois quelques explications techniques avant de dévoiler ce qui va suivre. Il est pourtant utile que je vous raconte maintenant quelques nouvelles découvertes de la biophysique, enfin, quand je dis nouvelle, cela doit déjà faire deux cent trente ans que le prix Nobel de biophysique a été accordé au physicien et généticien H.P Harald et F. Osanawa qui ont démontré les faits pouvant être imagés de la façon suivante :

    Il n'existe pas qu'un seul monde à trois dimensions coulant en toute quiétude, sur la rivière du temps. Il n'existe pas qu'une seule rivière, coulant à son rythme au sein d'un Cosmos en permanente expansion, mais des multitudes de rivières et donc de mondes qui se répandent en fleuves se déversant dans un véritable océan spatio-temporel, le Continuum. Tel qu'il n'y a pas qu'un seul monde qui s'égraine tant dans l'espace que dans le temps, il existe des intersections dans cette bouillonnante infinité de sabliers, intersections et croisements, lieux où toutes personnes peut avoir un regard sur un monde parallèle. Je vous explique donc que notre monde n'est pas unique, qu'il croise, ça et là, le même monde, mais dans un autre noyau d'espace et de temps et que nous pouvons, à l'aide d'une technologie bien avancée, plonger dans l'autre monde pour y découvrir et rencontrer un élément de notre généalogie descendante.

    Pour être plus direct, je dirai qu'il est possible aujourd'hui d'habiter le corps d'un de vos pères, lointain ou proche. L'espace et le temps forment une illusion palpable, totalement matérielle,  qui sert de support à notre réalité, celle de tous les jours, celle de l'humain rétréci, celui qui a oublié, avec le temps, d'ouvrir réellement les yeux devant la toute réalité et non pas une minuscule facette d'un pan de réalité.

    J'ai toujours été fasciné par ces faits et vous ?    

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