• La nuit tombe trop brusquement. En quelques minutes, la plaine blanche et jaune s'assombrit graduellement  jusqu'à une pénombre figée. Ce pourrait être un clair  de lune, si lune il y avait. L'innocent s'arrête, après avoir rejoint Iso qui c'est accroupi sous un surplomb de roches stratifiées dans les veines desquelles brillent une multitude de cristaux aux reflets multicolores. Il a un geste pour s'épousseter, geste inutile, ses vêtements et ses bottes sont intactes. Une agréable fatigue alourdit ses jambes. Hormis son visage et son cou, ainsi que ses bras, exposés toute la journée, son corps est frais comme s'il sortait d'un bain. Il essuie la sueur qui perle sur son front, à la limite que trace ses longs cheveux sur son visage mince. Iso le regarde, attentive et grave. Elle joue sur le sol avec une poignée de pierres précieuses, formant des figures compliquées qu'elle modifie selon une règle absconse, en les lançant en l'air et en les rattrapant comme pour une partie d'osselets très complexe. Après une petite grimace amicale, il a vite baissé la tête, dérobant son visage pointu, ses yeux verts. Iso est imprévisible mais généralement gaie et très caustique.

    -"Ce n'est donc pas encore aujourd'hui que nous rencontrerons les rêveurs." Dit l'innocent.

    Sans avoir trop cherché pourquoi, il préfère le plus souvent parler que communiquer mentalement. Pour les sujets qu'il n'est pas nécessaire de trop approfondir, tout au moins. Iso le suit. Ainsi, sans lever la tête, et tandis que ses doigts bougent à une vitesse phénoménale autour de l'éclat  des pierres, Iso approuve de sa voix légère, douce.

    -" Il semble bien, mon ami, il semble bien, encore qu'il ne faille jurer de rien."

    -" Combien de jours à marcher encore, tu le sais Iso ?"

    L'innocent ne peut cacher son dépit.

    -" Je ne le sais pas, c'est un fait !" Reprit-elle.

    L'innocent la regarde et se force à réfléchir. Quelques mots lui échappent.

    -" Les jardins, les jardins sont notre monde. Si cette plaine en est l'entrée, tu dois bien connaître les limites. Iso rit sans réponses. Elle cessa soudain ses habiles manipulations des cristaux, leva la tête et dit :

    -" Mon bel Innocent, les jardins se modifient sans cesse. Aussi, ceux du petit peuple n'ont guère l'habitude de se souvenir comment ceci ou cela était avant. Pour ma part, je serai bien incapable de te dire si la porte des jardins était ainsi que tu l'as vue aujourd'hui. Tous les éléments devaient y être, sans doute. Pierres, sable, air, lumière, un sol sous les pas, des ombres et les plantes. Mais savoir comment tout cela était assemblé, imbriqué, c'est une question beaucoup trop difficile. Le vent lui-même peut modifier un horizon. Pourquoi retiendrait-on des réalités assez fugaces pour être changées par un souffle de vent ? Es-tu sûr que nous voyons la même chose ? Que nos réalités coïncident toujours ? Avons-nous le même regard sur les choses qui nous entourent ? Avons-nous traversé le même lieu durant cette longue journée ? Nous ne voyageons même pas de la même façon."

    L'innocent reste muet devant les paroles d'Iso, elle ne semble rien avoir à ajouter. Il soupire et pense soudain qu'il a le temps. Tout le temps. Pour penser à cela, pour rencontrer les rêveurs, pour tout en fait. Il n'est plus qu'un éphémère il a faim.

    -"Bon, dit-il "autant installer notre camp." Ses doigts fouillent dans la pochette souple qui pend à sa ceinture. Il s'accroupit ensuite, il lisse de sa main un méplat sablonneux et dépose au centre d'un cercle tracé de son index une forte graine oblongue, veinée de roux, vernissée. Sans avoir à se retourner, il sent qu'Iso s'approche. Elle dépose une graine jumelle à la sienne sur le sol minéral puis de sa robe flottante, tire une minuscule fiole qu'elle incline pour laisser tomber deux gouttes lourdes et bleutées.

    Aussitôt, tout autour d'eux le paysage proche change. La falaise, le surplomb deviennent flous. Une cavité impalpable, faite de sons harmonieux, de lumières chaudes, s'est créée spontanément, les enveloppant dans cette aura surnaturelle. Très vite, entre les deux graines, une floraison fantasque germe et se développe, volutes de feuillages pourpres, spores végétales qui s'entrelacent  dans un froissement soyeux. Iso cueille pour eux deux quelques fruits épais et lourds, qui docilement, prennent le goût des aliments dont ils ont envie. Iso se coule contre le flanc long et mince de l'Innocent, qui s'est allongé sur un lit de mousse élastique et profond. Très vite, autour d'eux, un cocon d'une multitude de verts acides se forme et les enveloppe totalement, ne laissant apparaître que l'éclat de leurs yeux perçants et la ligne mince de leurs bouches.

    -" Veux-tu entendre quelques vieux chants du petit peuple ?" Demande-t-elle à haute voix. "Ou les dernières vibro-musiques des jardins ?"

    L'innocent sourit.

    -" Merci Iso, tu es une merveilleuse conteuse. Et hier soir j'ai eu un véritable plaisir à te sonder. Mais aujourd'hui, je suis un peu fatigué. Je dois encore me ménager, tu le sais. Et puis, cette approche si lente me tracasse. Nous progressons à pas de fourmis. Je vais dormir, je crois qu'il s'agit de la meilleure chose à faire pour moi."

    Iso s'inclina :

    -" Reprend des forces mon ami !" Murmure-t-elle doucement. L'innocent entoure Iso de son grand bras, laisse retomber sa tête, et ferme les yeux. Iso accompagne son entrée dans le sommeil par de subtiles caresses mentales, restant à ses côtés pour un début de rêve. Dans le même temps, il a confusément conscience qu'elle est à l'écoute de ses propres pensées. Tous les deux communient à un niveau de perception qui lui échappe.

    Malgré son intimité avec Iso, il se rend compte que les pouvoirs et la complexité des représentants du petit peuple lui sont encore pour la plupart inaccessibles. Il grogne un peu, à la façon d'un animal satisfait, et se retourne, plongé dans son profond sommeil.

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  • ISO


    Iso se matérialise parfois et m'accompagne en silence.

    Parfois elle m'attend, planté sur un promontoire sablonneux.

    Elle glisse à mes côtés, éthérée, avec les vagues floues de sa chevelure libre uniquement ornée d'un bandeau de perles bleues fluorescentes.

     Il faut avancer, si ce n'est dans l'espace, tout au moins dans le temps qui me sépare de ma rencontre avec les rêveurs.

    Devant nous, la montagne ne change pas, mais les rares buissons, plaqués sur le sol comme des flaques épineuses, se multiplient et nous forcent parfois à changer de cap.

     Je pourrais sans doute les traverser mais je préfère m'en tenir à mon instinct qui me commande de les éviter, encore que l'instinct soit une assurance bien mince dans ce monde étrange. Les plantes pourtant, ont toujours été mes alliées.

    Avant, quand j'étais un homme, éphémère parmi les siens, et maintenant dans ce monde, centre de leur règne paisible.

    Iso observe son compagnon, l'innocent sourit. Depuis qu'il est revenu à la vie, de tous les concepts neufs qu'il a eu à assimiler, le plus évident - être un homme - a curieusement été le moins facile à concevoir. Les mondes parallèles, imbriqués comme les tranches d'un sandwich trop pressé, la découverte d'Iso, la conscience du monde et de la culture dont je suis issu, moi l'ex crétin ressuscité puis soigné par Iso, tout cela est plus admissible pour mon esprit neuf, que l'idée d'avoir fait partie de l'espèce humaine. Je ne suis plus un éphémère ceci est une certitude.

    J'ai devant moi tant d'années à parcourir, tant de siècles à passer, que j'en arrive à en avoir le vertige et un certain malaise. Le malaise qui accompagne un rêve merveilleux lorsque l'on redoute de se réveiller. Je me sens si peu appartenir à l'humanité que j'en ai oublié mon nom d'homme.

    Je suis désormais l'innocent. Brusquement, par un exercice mental lié à ma mémoire artificielle greffée dans mon cerveau réparé, je romps le fil de mes pensées, je fais le vide. Je rentre chez moi, dans l'alvéole et pose mes yeux sur la silhouette d'Iso, petit feu-follet fragile qui se découpe sur la masse sombre  de la montagne. J'avance, quelques mètres, inconscient de ma marche, tandis que mon corps lui n'accuse en rien mon absence momentanée. Iso, évocation reposante. Chaude, confortable, rassurante. Ma petite fée à qui je dois tant. Nous nous appartenons réciproquement.

    A la voir, ainsi se rapprocher à chacun de mes pas accomplis, le contact mental s'intensifie, en de multiples caresses de nos âmes, dans un fondamental dialogue qui s'est instauré entre nous. Nos échangent projettent hors de nos mémoires des souvenirs voluptueux. Depuis le début, j'ai considéré Iso comme une femme. La femme, sur le plan dimensionnel différent, mais complète. Troublante est cette télépathie qui sert le plus couramment de langage entre nous. Et je n'ai pas envi de me fermer à Iso. Un rire comme des clochettes cristallines tinte dans ma tête, tendre réponse à mon interrogation.

     

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  • Innocent

    Moi l'innocent

    Inutile de me demander ou  se passe cette action. Je ne saurais pas vous répondre.

    Je suis là, victime et acteur d'une pièce mi-réelle mi-virtuelle.

    Je suis sensé connaître mon rôle si toutefois j'en ai un.

    Je marche à grands pas.

    Il n'y a que le crissement en decrescendo du sable qui s'écoule sous mes bottes. Mes bottes, je n'y suis pas tout à fait habitué. Tant elles sont souples, étudiées, légères, avec leurs semelles articulées et dépourvues de talons.

    Il me faudrait presque regarder mes jambes pour vérifier si je ne marche pas pieds nus. Quand j'ai trouvé ses vêtements dans l'alvéole d'Iro, je n'ai pas fait attention à la texture du tissu.

    C'est après que j'ai été intrigué par cette matière solide, imperméable et pourtant poreuse, végétale bien qu'ayant l'apparence du métal. Y faire un trou est possible mais il disparaît dans les secondes qui suivent. Parce que, comme m'a expliqué Iro, le tissu est composé d'une espèce de lichens  microscopiques et vivants. Lichens qui se nourrissent de ma sueur, de mes cellules mortes. Je passe parfois une main sur mes flancs ou sur ma poitrine, content.

    Heureux comme un enfant de l'aspect féerique de ma tenue. C'est bien peu de chose dans le monde des jardins. Je marche, bien que je ne sois pas tout à fait sûr d'avancer vraiment, de faire du chemin, peut-être à cause de l'étrangeté de cette pleine désertique.

    Espace mal défini.

    Plaine au sol poudreux, inégal, à l'air léger et stagnant. Plaine dépourvue de parfum, barrée par un massif rocheux dont la perspective immobile est couronnée de forêts brumeuses et incertaines. Plaine encadrée comme une vallée par d'immenses falaises aux surplombs démentiels.

    Je ne regarde que le ciel.

    J'ai renoncé depuis longtemps à y expliquer ses composantes. La lumière est vive, il fait chaud.

    Je peux sentir les rayons caresser mon visage et mes bras nus. Aucun astre ne brille là-haut. Ou alors la voûte céleste toute entière est un soleil. Tout ceci est peu probable, pourtant ces grands arcs tordus qui s'entrecroisent comme des racines gigantesques me rappellent les rayons d'un soleil.

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  • Dryades et autres

    Les Dryades
    Les Dryades président aux bois.  Elles peuvent passer des journées entières à errer ainsi en ces lieux.  Parfois, elles forment de grandes danses autour des arbres dont elles ont la garde.

    Les Hamadryades
    À ne pas confondre avec les Dryades, les Hamadryades sont elles aussi les nymphes des bois.  À la différence de leurs sœurs, elles sont liées à un arbre (la plupart disent que ce serait en particulier un chêne), c'est-à-dire que leur destin est le même que celui de l'arbre : elles naissent et meurent avec lui.  Certains disent même qu'elles vivent sous leur écorce.  Il est donc formellement interdit de faire du mal à un de ces arbres, sous peine d'une sentence terrible.

    Les Méliades
    Nymphes des frênes, les Méliades, sont nées de la semence d'Ouranos lorsque celui-ci fut mutilé par Zeus.  En mémoire de leur naissance sanglante, les lances meurtrières utilisées par les guerriers sont faites de frêne.

    Les Oréades
    Les Oréades (parfois appelées Nappées) sont les nymphes des montages.  Comme activités, elles apprécient particulièrement les courses infatigables à travers les rochers et la chasse.  Elles sont d'ailleurs les compagnes de la déesse de la chasse, Artémis. 

    Les Ménades
    Les Ménades sont les nymphes rattachées au culte de Dionysos.  Les premières à porter ce nom furent ses nourrices qui le suivirent à la conquête des Indes.  Il y a aussi les bacchantes, de jeunes femmes à demi nues ou couvertes de peaux de tigres courant ça et là.  Elles répètent fréquemment le cri «Évoé», qui signifie «courage, mon fils», pour rappeler les triomphes de Dionysos auprès des géants.

    Les Silènes, fils de Silène et des nymphes, ressemblent aux satyres. Ils aiment s'enivrer et les nymphes sont leurs inlassables objets de désir. Les artistes les représentent ventrus, chevelus, une coupe à la main et plutôt vieillis. Il mène une vie de débauché...
    Leur père, lui, bien que libertin est aussi un grand sage. Une fois un roi le captura et lui demanda le secret de la vie humaine, Silène lui répondit : la meilleure chose pour un homme est de ne pas naître, la seconde est de mourir le plutôt possible.

    Les satyres ressemblent à Pan : jambes de bouc, barbichettes, cornus, jeunes, forts, et viveurs. Eux aussi aiment les nymphes. Ils accompagnent les Ménades et même Dionysos lui-même ! Généralement ils sont avec les Silènes et sont très appréciés des artistes romains et grecs. Ils incarnent la fertilité spontanée.
    Leurs sœurs seraient les Oréades(nymphes des montagnes). Selon Hésiode, ils seraient les descendants des 5 filles de Hécatéros.


     

     


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  • De toutes les contrées mythiques qui ont enflammé l'imagination de générations de curieux, l'Atlantide demeure sans aucun doute la plus célèbre. Successivement placée à hauteur des Açores, au cœur de la mer Egée ou sur les rivages de la mer du Nord, l'île fabuleuse décrite par Platon dans le Critias et le Timée correspond certainement à une réalité historique, qui demeure difficile à cerner mais n'en apparaît pas moins indiscutable. Cette patrie originelle de la civilisation dont les auteurs les plus divers ont fait la mère de toutes les cultures supérieures qui se sont développées sur la planète, de l'ancienne Egypte à l'Inde aryenne et à 1'Amérique précolombienne, fut cependant précédée, affirment certains, par un autre monde dont ne subsistent plus aujourd'hui que quelques vestiges épars, compréhensibles seulement par les spécialistes de l'espace océanien. Douze mille ans avant l'ère chrétienne(-12000), un gigantesque continent se serait englouti dans les profondeurs du Pacifique : c'est sur cette terre que prospérait l'empire de Mu dont les habitants, essaimant vers la Birmanie, l'Inde, le Mexique, la Mésopotamie et l'Egypte, devaient ensuite jeter les fondements de toutes les grandes civilisations historiques, l'Atlantide ne jouant qu'un rôle de relais dans cette gigantesque aventure. Quels sont les éléments ou les informations qui permettent à certains savants de considérer aujourd'hui l'existence de Mu comme une probabilité qu'il est impossible d'écarter a priori? Peut-on espérer que de nouvelles découvertes vont venir confirmer les fantastiques intuitions de James Churchward et de Louis Claude Vincent, les deux pionniers de l'histoire muenne? Comment expliquer la disparition catastrophique de ce monde fabuleux qui fut sans doute, de nombreux faits permettent de l'affirmer, la terre où se constituèrent les plus hautes traditions spirituelles de l'humanité?

    De nombreux vestiges restent encore à mettre au jour et l'archéologie des îles océaniennes n'en est qu'à ses balbutiements ; certains textes précolombiens ou indiens doivent être complètement réinterprétés pour faire avancer davantage notre connaissance de Mu, mais il est d'ores et déjà possible d'établir une synthèse de tous les faits qui montrent à l'évidence que cette terre paradisiaque, vouée au culte du dieu Soleil, eut une existence historique bien réelle, dont le souvenir s'est conservé dans de nombreux documents et dont les archéologues commencent a redécouvrir les vestiges.

    Les documents de Mu

    Les tenants de l'existence du continent Pacifique entreprirent une approche toute différente du problème et préférèrent fonder leurs théories sur l'interprétation de certains documents et de certaines traditions, négligeant un peu, il faut le reconnaître, les réalités géologiques. Celui que l'on considère a juste titre comme le pionnier de toutes les recherches relatives à Mu, puisque c'est ce nom qui aurait désigné la terre australe originelle, est le colonel James Churchward, auteur de cinq ouvrages consacrés a cette question : The lost continent of Mu (1926), The children of Mu (1931), The sacred symbols of Mu (1933), The Cosmic Forces of Mu (1934) et The Second Book of the Cosmic Forces of Mu (1935).

    il rencontra en 1874 un grand prêtre indigène qui lui fit découvrir, à travers certaines tablettes anciennes, l'existence passée du continent de Mu. I1 participa ensuite à une expédition au Tibet et, un peu plus tard, a une autre entreprise de cet ordre en Mongolie et en Sibérie.

    Après avoir passé trente ans dans l'armée des Indes, il continua à parcourir le continent asiatique et voyagea également en Amérique centrale et dans le Pacifique, avant de se retirer aux États-Unis, où il mourut a l'âge de quatre-vingt-six ans. Selon Churchward, c'est à l'occasion d'une famine qui ravagea 1'Inde, en 1874, qu'il fit la connaissance de celui qui allait l'amener à s'intéresser à Mu.

    Les tablettes naacales

    L' alphabet de Mu, comparé aux alphabets utilisés par les Mayas et par les Egyptiens.Certaines ressemblances sont troublantes.
    Reste à savoir si les fameuses
    tablettes retrouvées par le colonel Churchward sont authentiques....



    Le grand prêtre en question allait apprendre au jeune officier, dont l'intérêt pour l'archéologie avait attiré son attention, la langue " originelle " de l'humanité, comprise seulement par lui-même et deux autres grands initiés, derniers représentants d'une secte, les Naacals, dont l'origine aurait été contemporaine de l'engloutissement de Mu. Après deux années de travail qui lui permirent de déchiffrer un certain nombre d'inscriptions mystérieuses retrouvées sur les parois de certains temples, le jeune Churchward eut l'extrême privilège d'être amené à contempler des tablettes sacrées qui, selon son maître, avaient été apportées de Birmanie, où elles auraient été écrites par les Naacals, héritiers des anciennes connaissances muennes.

    Ces documents exceptionnels racontaient la création de la Terre et de l'Homme et évoquaient le continent originel où était apparu ce dernier : ce vaste monde, situé en plein cœur de l'océan Pacifique, avait été englouti douze mille ans plus tôt, a la suite d'un gigantesque cataclysme marqué par des séismes, des raz de marée et des éruptions volcaniques.

    Cette révélation devait désormais orienter de manière définitive la vie et les recherches de Churchward, qui s'efforça de retrouver sur toute la surface du globe les documents ou les vestiges permettant de confirmer ce que rapportaient les tablettes qui lui avaient été ainsi présentées. Churchward avait-il vraiment renoué avec une civilisation oubliée? Après lui, d'autres chercheurs allaient tenter d'étayer ses hypothèses sur l'existence de Mu...

    Pour l'archéozoologue Michel Raynal, dans son article L'Oiseau énigmatique d'Hiva-Oa, le continent Mu serait une invention de Churchward. Il exhibe plusieurs erreurs factuelles (Tiahuanaco localisé au Pérou, erreurs de datation...) ou méthodologiques (absence de bibliographie, tablettes Naacal localisées dans un temple indien puis au Tibet dans un autre livre...). Il porte une analyse extrêmement sévère sur Churchward en estimant que ses erreurs relèvent soit de la fraude caractérisée, soit de la maladie mentale. Il démontre enfin que l'existence même d'un continent englouti dans l'océan Pacifique est irréaliste du fait de l'ancienneté du bassin océanique (qui date de l'ère primaire soit -590 Ma) et de la variété de la faune et de la flore des archipels du Pacifique.

    Ce vaste ensemble se présentait comme une immense plaine vallonnée au climat tropical et a la végétation luxuriante. Ce paradis originel était fertile et propice à toutes les cultures. Des villes importantes regroupaient une population nombreuse, évaluée à plus de 60 millions d'habitants au moment de la catastrophe. Mu était véritablement le centre de toute civilisation et les autres foyers de culture n'étaient que ses colonies.

    Les habitants étaient divisés en dix tribus et se consacraient à l'agriculture, à la navigation et au commerce. Tous adoraient le Soleil et croyaient a l'immortalité de l'âme. Le peuple dominant était de race blanche, avec des yeux sombres et des cheveux noirs. L'hégémonie qu'il exerçait sur les autres peuples noirs ou jaunes était des plus bienveillantes, sauvagerie et violence étant bien sûr absentes de cet éden enchanteur.

    C'est ce magnifique ensemble, porteur de la civilisation la plus ancienne qu'ait connue notre planète, qui fut rayé de la carte du monde par une série d'éruptions volcaniques et de raz de marée gigantesques, lesquels firent de ce vaste continent la poussière d'archipels que l'on rencontre aujourd'hui au cœur de l'immensité du Pacifique.

    Routes, cités et temples furent engloutis dans les profondeurs, et les rares rescapés, incapables de survivre dans un état de sauvagerie à peu prés total, réduits au cannibalisme, disparurent rapidement, sans pouvoir s'adapter a de nouvelles conditions de vie, par trop différentes de celles que leur avait garanties pendant des millénaires une civilisation supérieure.

    Le souvenir du continent disparu se perdit ainsi progressivement, et seules quelques populations qui avaient été en contact avec lui purent transmettre, par l'intermédiaire de sectes d'initiés telles que celle des Naacals, les traditions et le langage de la civilisation muenne. De nombreux textes, surtout dans l'aire de la civilisation mexicaine précolombienne, semblent confirmer ce scénario effrayant, et Churchward ainsi que Louis-Claude Vincent, son continuateur actuel, les ont soigneusement recensés, mais il est toujours possible de donner une interprétation purement symbolique de telle ou telle description d'une catastrophe. Il va de soi que la découverte de vestiges archéologiques présente plus de crédibilité et peut conforter solidement les assertions des tenants de l'existence passée de Mu.





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